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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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ulcères. Dans l’intervalle, Facerias avait
été tué. C’est alors qu’il jeta les plans de son prochain raid, le dernier.
    À l’exception de quelques amis, il était maintenant seul. Même
l’organisation, par sa réprobation silencieuse, semblait donner raison aux
fascistes et aux bourgeois qui le considéraient comme un simple bandit. Même
ses amis lui dirent, et ils ne se trompaient pas, qu’un autre raid équivalait à
un suicide. Il avait considérablement vieilli. Tout ce qui lui restait, c’était
sa réputation de héros et une conviction passionnée qui lui conférait, bien que
par ailleurs il ne fût pas très doué pour la parole, un remarquable pouvoir de
persuasion. Ce pouvoir, il alla l’exercer, au mépris des ordonnances de la
police française, dans tous les meetings d’émigrés, où il arrivait avec une
grosse serviette, silhouette trapue qui évitait toujours de s’asseoir dans un
coin. Il n’était
pas
un
bandit. L’Espagne sans champions de la cause, c’était inadmissible. Qui sait, il
serait peut-être un jour le Fidel Castro de son pays. Comment pouvait-on ne pas
le comprendre ?
    Il réunit quelques fonds et persuada certains, assez
nombreux, mais presque tous inexpérimentés, de prendre les armes. Il partit
avec le premier groupe, composé d’Antonio Miracle, employé de banque récemment
sorti de la clandestinité, de deux jeunes à peine âgés de vingt ans, Rogelio
Madrigal Torres et Martin Ruiz, et d’un homme marié de trente ans dont on ne
connaît que le nom, un certain Conesa ; tous venaient de Lyon et de
Clermont-Ferrand. Les autres ne firent jamais le voyage. Il revit sa famille à
la fin de l’année 1959, mais sans lui faire part de ses projets. Puis il partit
vers ce qui – tout le monde le savait, sauf peut-être lui-même – allait être sa
mort.
    Ce qu’on peut dire, c’est qu’il mourut comme il l’aurait
souhaité. Le groupe fut repéré par la police, certainement renseignée, à
quelques kilomètres de la frontière, mais réussit à se dégager. Deux jours
après, ils étaient encerclés dans une ferme isolée ; le siège dura douze
heures. Quand la lune eut disparu, Sabaté lâcha le bétail, lança une grenade, et
profita de la panique pour disparaître silencieusement après avoir tué son
dernier policier. Mais il était blessé et tous ses compagnons étaient morts. Deux
jours plus tard, le 6 janvier, il arrêta le train de 6 h 20 allant de Gerona à
Barcelone au petit arrêt de Fornells et ordonna au mécanicien de foncer sans s’arrêter.
C’était impossible, tous les trains s’arrêtant à Massanet-Massanas pour prendre
la traction électrique. Sa blessure au pied s’était infectée. Il boitait, avait
de la fièvre, et se soutenait à coups d’injections de morphine grâce à la
trousse d’urgence qu’il portait sur lui. Une balle lui avait également laissé
une écorchure derrière l’oreille, et une autre lui avait traversé l’épaule, mais
ces deux blessures étaient moins graves. Il mangea le casse-croûte des
cheminots.
    À Massanet, il se dissimula dans le wagon postal, puis
grimpa sur la locomotive électrique qui venait d’être attelée, et réussit à
atteindre la cabine du mécanicien, qu’il menaça de son arme. Là encore il lui
fut répondu qu’il était impossible, sans risquer d’accident, d’aller tout droit
jusqu’à Barcelone au mépris de l’horaire prévu. Je crois qu’à ce moment-là il
se rendit compte qu’il allait mourir.
    Un peu avant la petite ville de San Celoni, il fit ralentir
le train et sauta en marche. Dès lors, tout au long de la ligne, la police
était sur les dents. La fièvre lui donnait soif et il demanda du vin à un
charretier et le but à grandes gorgées. Puis il demanda à une vieille femme où
il pourrait trouver un docteur. Elle l’envoya à l’autre bout de la ville. Il
manqua, semble-t-il, la maison de la bonne du docteur – en effet, le cabinet
était fermé – et frappa à la porte d’un certain Francisco Berenguer qui, se
méfiant de ce personnage hagard, sale, vêtu d’un bleu de chauffe et porteur d’un
pistolet et d’une mitraillette, refusa de le laisser entrer. Les deux hommes en
vinrent aux mains. À ce moment-là, deux policiers apparurent au bout des deux
rues au coin desquelles ils étaient en train de se battre. Sabaté mordit la
main de Berenguer pour pouvoir saisir son pistolet – il ne pouvait plus prendre
la mitraillette – et blessa

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