Les chasseurs de mammouths
vertes. Même les maigres
résineux des steppes, isolés, malmenés par les vents, prenaient par comparaison
une certaine substance. Mais plus déroutants encore étaient les changements
apportés en surface par le permafrost.
Ce phénomène qui maintient gelée, d’un bout de l’année à l’autre,
une partie ou une autre de la croûte terrestre, de la surface jusqu’aux couches
rocheuses les plus profondes, avaient été provoqué, dans cette contrée
longtemps éloignée des régions polaires, par des nappes de glace aussi vastes
que des continents, hautes parfois de plusieurs kilomètres. Une interaction
complexe du climat et des conditions en surface et en profondeur créait ce gel
et le maintenait. Le soleil exerçait un certain effet, comme l’eau stagnante,
la végétation, la densité du sol, le vent, la neige.
Les températures de l’année, plus basses de quelques degrés
seulement que celles qui, par la suite, allaient amener un climat tempéré,
suffisaient à pousser la masse des glaciers à empiéter sur les terres et à
provoquer la formation du permafrost, plus loin vers le sud. Les hivers étaient
longs et froids. De temps à autre, des tempêtes amenaient d’abondantes chutes
de neige et de violents blizzards, mais, sur toute la saison, la quantité de
neige était relativement limitée, et de nombreuses journées étaient belles. Les
étés étaient courts, avec quelques jours si chauds qu’ils semblaient nier la
proximité d’énormes masses de glace, mais, la plupart du temps, il faisait
frais, le ciel était nuageux, et les pluies rares.
Même si une certaine portion de la terre restait perpétuellement
gelée, le permafrost ne représentait pas un état permanent, immuable. Il était
aussi inconstant, aussi capricieux que les saisons. Au plus fort de l’hiver,
quand le sol était en profondeur durci par le gel, la terre semblait passive,
impitoyable, mais les apparences étaient trompeuses. Au changement de saison,
la surface s’amollissait, sur quelques centimètres seulement de profondeur, là
où une végétation trop abondante, des terres trop denses, une ombre trop
épaisse résistait à la douce tiédeur de l’été. Mais, sur les pentes exposées au
soleil, faites de gravier bien drainé, couvertes d’une végétation réduite, la
couche active dégelait sur plusieurs mètres de profondeur.
Pourtant, le ramollissement de cette couche n’était qu’illusion.
Sous la surface, l’emprise de l’hiver restait la plus forte. La glace
impénétrable régnait en maîtresse, et, sous l’effet du dégel et des forces de
gravité, les terres saturées et leur fardeau d’arbres et de rochers bougeaient,
glissaient, se déplaçaient sur la surface lubrifiée par l’eau des terrains
encore gelés au-dessous. Des effondrements se produisaient, des affaissements,
à mesure que se réchauffait la surface, et, là où le dégel de l’été ne trouvait
pas d’issue, des fondrières et des marécages se formaient.
Lorsque recommençait le cycle des saisons, la couche active
au-dessus des terres gelées durcissait de nouveau, mais son aspect glacial
dissimulait un cœur sans repos. Les contraintes et les pressions extrêmes
amenaient des soulèvements, des poussées, des gauchissements. La terre durcie
se fendait, se crevassait, se gorgeait de glace et, pour se délivrer, expulsait
cette glace par grands fragments. Certaines pressions comblaient de boue ces
cavités, faisaient monter un fin limon en cloques et boursouflures. A mesure qu’augmentait
le volume de l’eau glacée, des buttes, des monticules de glace boueuse – des
pingos [6] – s’élevaient
des terres basses marécageuses, atteignaient jusqu’à soixante mètres de haut et
plusieurs dizaines de mètres de diamètre.
Sur le chemin de leur retour, Jondalar et Ayla découvraient
ainsi que le relief du paysage avait changé, que leurs points de repère étaient
trompeurs. Certains petits cours d’eau dont ils croyaient avoir gardé le
souvenir avaient disparu : ils avaient gelé en amont, plus près de leur
source, et leur lit, en aval, s’était asséché. Des éminences de glace s’étaient
élevées, là où, auparavant, il n’y avait rien. Des bouquets d’arbres poussaient
sur des taliks – des îlots formés de couches non gelées, entourés de
permafrost – et donnaient parfois l’impression trompeuse d’une petite
vallée, alors qu’ils ne se rappelaient pas en avoir vu une à cet
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