Les chevaliers du royaume
autrefois de se rendre à des cérémonies funèbres consacrées à des dieux sans nom : « Ils sacrifiaient à des démons qui ne sont pas Dieu, à des dieux qu’ils ne connaissaient pas. » Ces prêtres étaient probablement des Juifs, ayant vécu peu avant Abraham, ou peu après. Des renégats, de toute façon.
Simon grimpait, courbé en deux, trébuchant à chaque pas dans une intrication de membres épars, faisant rouler des crânes, crevant des poitrines d’où s’évaporaient de minuscules nuages de poussière brune. À la lueur tremblotante de sa torche, il les voyait s’embraser et disparaître aussi vite qu’ils étaient apparus, pareils à des lucioles. Il s’efforçait de ne pas frissonner, ne quittant pas des yeux Morgennes, qui commençait à redescendre vers lui, une jeune femme dans les bras. Simon distingua alors une ouverture en forme de puits dans le plafond – puis la vit d’autant mieux qu’on venait d’y laisser choir une torche.
La torche chut avec un bruit mat au sommet des corps, où elle continua de brûler en crachotant, semant des étincelles autour d’elle, enflammant quelques lambeaux de vêtements, dont l’aube éphémère mourut aussitôt.
Morgennes se tourna vers la torche, et aperçut à son tour le puits au plafond, si proche qu’il aurait presque pu le toucher de la pointe d’une lance. Des échos de voix leur parvenaient. Elles s’exprimaient en lingua franca. Morgennes porta un doigt à sa bouche, intimant l’ordre à Simon de se taire, et tenta d’empêcher al-Afdal de parler – ce qui était difficile : le pauvre délirait.
— J’ai cru voir de la lumière, dit une voix venue d’en haut.
Morgennes ne bougeait pas. Leur seule source de lumière était la torche de Simon, puisqu’il avait remis Crucifère au fourreau pour prendre al-Afdal dans ses bras.
— Mais non, dit une seconde voix. C’est le reflet de ta propre torche…
— Pour qui me prends-tu ? reprit la première voix. Je ne suis pas fou, quand même ! Si j’ai jeté ma torche dans ce puits, c’était pour regarder : j’ai entendu des voix. Et si c’était le gamin que nous recherchons ?
— Mais oui ! Bien sûr…
— J’ai vu des lumières, je te dis !
— De mieux en mieux ! continua la seconde voix, sur un ton ironique.
Simon eut alors la très mauvaise idée de vouloir éteindre sa torche, en l’écrasant dans un thorax. Ce geste déclencha une avalanche de squelettes, qui dévalèrent avec fracas le monticule de morts. Rufinus se trouva alors environné d’ossements.
— Booonjouuur…, dit-il à un crâne tombé juste en face de lui.
C’était aussi une façon de masquer sa peur, tant il était envahi par ses semblables – frères d’os auxquels ne manquait que la parole.
Le vacarme avait été tel que Simon se dit : « Nous sommes perdus ! »
Morgennes le regarda sans bouger, puis, dans un chuintement, la torche s’éteignit. Ils furent plongés dans une obscurité qui ressemblait au néant. Ils attendirent, patiemment, qu’un bruit venu d’en haut leur indiquât le départ de l’ennemi. Mais rien ne se produisait. Les hommes envoyés à la poursuite d’al-Afdal s’étaient-ils évaporés ?
Combien de temps attendirent-ils ?
Simon n’aurait su le dire. Quant à Morgennes, il porta al-Afdal sans broncher, tâchant d’oublier la douleur qui se répandait dans ses bras, tant l’enfant semblait s’alourdir au fur et à mesure que le temps passait. Morgennes se demandait s’il n’allait pas sortir Crucifère et son couteau d’arme, et se battre, ou parlementer. Après tout, les hommes qu’ils avaient entendus n’étaient peut-être pas des Templiers blancs.
Mais à peine eut-il posé l’enfant que trois formes suspendues à des cordes descendirent dans le puits. L’une tenait une torche, les deux autres une arbalète, qu’elles pointaient devant elles.
Apercevant Morgennes, une voix s’écria :
— Le voici !
Alors Morgennes et Simon dégainèrent leur épée et se ruèrent au combat.
Deux carreaux partirent en sifflant. Le premier se ficha dans l’armure de Morgennes, mais ne put la traverser ; le second toucha Simon à la hauteur de l’estomac. Il s’effondra, se tenant le ventre à deux mains, du sang filtrant entre ses doigts.
Morgennes leva son épée pour l’abattre sur l’un des assaillants, mais un quatrième homme se laissa couler dans la salle et cria :
— Rends-toi !
C’était Wash
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