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Les cochons d'argent

Les cochons d'argent

Titel: Les cochons d'argent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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par les terres. Je ne m’en vante pas, mais j’aurais été bien incapable de faire le trajet entièrement par la mer – franchir les colonnes d’Hercule pour gagner l’Atlantique capricieux, contourner la Lusitanie et l’Hispanie… La courte traversée depuis la Gaule est déjà suffisamment éprouvante !
    On avait tout fait pour me faciliter le voyage : de l’argent en quantité et un laissez-passer particulier. L’argent a fait long feu : délicates épingles à manteau, bons gueuletons (je recommande tout particulièrement la crème à la muscade)… La signature apposée sur le permis ressemblait à s’y méprendre à celle de l’Empereur – aux postes-frontières les plus reculés, même les chiens somnolents se dressaient et tendaient la patte ! Ma principale crainte était de perdre mon appartement, mais le sénateur me promit que son comptable grec, toujours aussi rusé, arrangerait les choses avec Smaractus – un face-à-face que je raterais avec regret.
    L’air pincé, ma mère se plaignit de ne pas avoir conservé les restes du plateau que je lui avais ramené comme souvenir après mon premier séjour en Bretagne. L’objet était façonné dans une argile grisâtre de la côte sud. Apparemment, cette matière exigeait d’être huilée assez régulièrement. N’étant pas au courant, je n’avais pas pu la prévenir. Et l’objet était tombé en poussière. Maman me suggérait de retrouver le colporteur pour exiger d’être remboursé.
    Petronius me prêta une vieille paire de chaussettes qu’il avait conservée de son équipement militaire. Il ne jette jamais rien. J’avais balancé les miennes au fond d’un puits en Gaule ; si j’avais pu prévoir cette nouvelle excursion de malheur, peut-être aurais-je plongé pour les récupérer…
     
    En route, j’eus tout loisir de réfléchir. Cela ne m’avança pas à grand-chose. De nombreuses personnes pouvaient avoir envie de destituer Vespasien. Changer d’empereur était très en vogue depuis deux ans. Néron s’était poignardé, après que ses concerts assourdissants avaient fini par lasser même les sourdingues installés dans les loges. Alors ce fut la foire d’empoigne. Il y eut d’abord Galba, l’autocrate d’Hispanie. Puis Otho, qui estimait être l’héritier légitime de Néron parce qu’il avait été son amant. Ensuite Vitellius, un rustre paillard, qui gagna puis perdit le trône par ivrognerie ; ce personnage a sans doute trouvé sa juste mesure en laissant son nom à une recette de fayots indigestes…
    Tout cela en l’espace de douze mois ! Au train où allaient les choses, le premier bellâtre venu, pourvu d’un semblant d’intelligence et d’un sourire de gagneur, pouvait espérer convaincre l’Empire que le pourpre faisait merveille avec son teint de peau. Dans une Rome pillée et saccagée, ce vieux général roublard de Vespasien était alors apparu. Il avait un avantage notable : personne ne savait rien sur lui, ni en mal ni en bien. Il disposait d’un allié inestimable, son fils Titus, qui s’accrochait à la promesse d’un glorieux avenir politique avec la hargne d’un cabot tenant un rat dans ses crocs.
    Decimus Camillus Verus considérait que les adversaires de Vespasien n’agiraient pas avant le retour de Titus, qui demeurait en Judée. Vespasien lui-même était en train d’écraser une révolte juive quand il avait manœuvré pour obtenir le trône. Il avait regagné Rome en tant qu’empereur, laissant à Titus le soin d’achever sa tâche si populaire avec son panache coutumier. Évincer Vespasien était la meilleure façon de permettre à son brillant fils aîné de rafler l’Empire par anticipation. Le fils cadet, Domitien, était certes un personnage sans envergure, mais pour avoir la moindre chance de réussir, une conspiration devait faire chuter ensemble de leur piédestal Vespasien et Titus. J’avais donc autant de temps pour éclaircir ce mystère qu’il en faudrait à Titus pour capturer Jérusalem – et à en croire Festus, Titus aurait avalé Jérusalem en moins de temps qu’il n’en faut à un centaure pour agiter sa queue (Titus avait commandé la quinzième Légion dans laquelle servait mon frère).
    Telle était la situation. Tout individu, d’un rang suffisamment élevé et doué d’un minimum d’entregent, pouvait s’imaginer un destin d’empereur et secouer l’olivier pour en faire tomber la nouvelle dynastie. Le Sénat comptait six cents

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