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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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mère : « Et moi, ne puis-je me rendre sur le terrain de jeu, devant
la forteresse du roi Conor ? – Il est encore trop tôt, mon garçon, lui
répondit Dechtiré, tu es trop petit. Patiente un peu. Un jour ou l’autre, un
héros des Ulates ou quelque familier de Conor t’y accompagnera pour te placer
sous la sauvegarde et la protection des jeunes gens qui se trouvent là. – Ma
mère, attendre serait bien long. Je désire partir tout de suite. Indique-moi
plutôt, je t’en prie, l’endroit où se trouve Émain. – Il est bien loin, répondit
Dechtiré, l’endroit où se trouve Émain Macha, et la montagne de Fuat t’en
sépare aussi… – Eh bien, s’entêta-t-il, je me fais fort d’y parvenir quand même !
Je grimperai sur la montagne et, une fois arrivé au sommet, je finirai par
distinguer l’emplacement d’Émain Macha. »
    Sa mère eut beau lui dire qu’un tel voyage serait pénible
pour un garçon de son âge, il ne voulut pas en démordre et, prenant congé d’elle,
il s’en alla tout seul sur le chemin [73] ,
non sans emporter ses jouets, c’est-à-dire sa crosse de bronze, sa balle d’argent,
son petit bouclier, son petit javelot et son petit épieu à bout brûlé. Et, tout
en marchant, il se distrayait en jouant. Il frappait sa balle avec la crosse et
l’envoyait à bonne distance devant lui, puis lançait sa crosse pour la frapper
encore et, de la sorte, la projetait à une distance qui n’était pas moindre que
la précédente. Ensuite, il lançait son javelot et son épieu et se précipitait à
leur suite, ramassait sa crosse, sa balle, son javelot, et la pointe de son
épieu ne s’était pas encore fichée dans le sol qu’il l’avait rattrapé au vol.
    Il arriva ainsi en vue de la forteresse d’Émain, et aperçut
le groupe d’adolescents autour de Follomain, fils de Conor. Ils étaient trois
cinquantaines à jouer sur la prairie, devant la forteresse royale. Hardiment, il
s’avança sur le terrain, se fraya passage parmi les joueurs et, parvenu au
centre, immobilisa la balle entre ses deux jambes, et de manière qu’elle
demeurât hors de portée. Il la pressait et la serrait si étroitement entre ses
mollets, sans la laisser monter plus haut que ses genoux ni descendre plus bas
que ses chevilles, que personne ne put la toucher, lui porter le moindre coup
ni la déloger. Alors, il la reprit entre ses mains et la jeta avec tant de
force qu’elle allait bien au-delà du but, à la stupeur générale des spectateurs.
    « Eh bien, garçons ! s’écria Follomain, fils de
Conor, qu’attendez-vous pour vous précipiter sur lui ? Il faut me le
livrer, qu’il meure de ma propre main ! puisque la coutume, vous le savez,
défend absolument que quiconque se joigne à nos jeux sans qu’on l’ait d’abord
placé sous notre sauvegarde. Saisissons-nous de lui. Quoiqu’il soit assurément
un fils de guerrier ulate, il ne faut pas laisser s’instaurer l’habitude qu’on
se mêle à nos jeux sans avoir obtenu de gage de sa sauvegarde et sa protection. »
    Tous se précipitèrent alors sur lui en lançant leurs cent
cinquante crosses droit sur son crâne, mais il leva la sienne et, d’un seul
coup, les dispersa toutes. Ils lancèrent alors leurs cent cinquante balles
droit sur lui, mais lui, d’un simple geste de ses bras, de ses avant-bras, de
ses paumes, les éparpilla toutes. Ils lui lancèrent alors leurs cent cinquante
épieux à bout brûlé, et lui, levant son petit bouclier, les para tous. Et, là-dessus,
saisi d’une fureur soudaine, il se jeta au milieu de ses adversaires et, dans
son élan, renversa sous lui cinquante fils de rois. Et comme cinq autres
détalaient jusqu’à l’intérieur de la forteresse, il les poursuivit avec acharnement.
    Or, le roi Conor et Fergus, fils de Roeg, se trouvaient à
disputer une partie d’échecs dans la cour. Les cinq fugitifs se réfugièrent
auprès d’eux, mais Sétanta n’entendait pas pour autant renoncer à se venger, et
il allait à nouveau frapper lorsque Conor lui saisit le poignet.
    « Eh là ! mon garçon ! s’exclama-t-il, que
signifie cette conduite ? – J’ai de bonnes raisons pour leur en vouloir, répliqua
l’enfant. Ils ne m’ont pas accueilli comme ils auraient dû. Après tout, je suis
leur hôte, et je viens d’assez loin pour me joindre à eux ! Pourquoi me
recevoir en m’envoyant leurs crosses, leurs balles et leurs épieux ? C’est
cette attitude que je n’admets pas. »
    Conor

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