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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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Culann, qui, tapi sur son tertre, guettait
le moindre mouvement dans les parages, aperçut le petit garçon et aboya d’une
voix si puissante, si violente et si stridente que l’Irlande entière en frémit.
Et, de fait, le chien ne désirait pas tant déchiqueter l’intrus, ni en faire
des parts de festin, que le gober d’un coup, pour le sentir descendre le long
de sa large gorge, traverser la cage de ses côtes et emprunter le canal de son
ventre. Il se rua donc, les crocs menaçants, et convaincu ne devoir faire qu’une
bouchée de l’enfant qui, au surplus, n’avait plus rien pour se défendre, hormis
sa balle. Mais Sétanta, sans hésiter un seul instant, jeta celle-ci contre le
chien, dont elle traversa la gueule avec tant de force que, poursuivant sa
course, elle expulsa les entrailles de l’animal par la porte de derrière. Et, sur
ce, Sétanta saisit le chien par deux pattes et, après l’avoir fait tournoyer
dans les airs, le martela contre une pierre levée jusqu’à ce que ses membres
tombassent épars au sol.
    Cependant, à l’intérieur de la forteresse, le roi Conor
avait entendu l’aboiement du chien, et il se souvint tout à coup que Sétanta
lui avait promis de le suivre à la trace.
    « Misère ! s’écria-t-il, ce n’est pas pour notre
chance et notre bonheur que nous sommes venus festoyer ici ! – Comment
cela ? demandèrent les convives. – Un petit garçon devait nous suivre et
nous rejoindre ici, le fils de ma sœur, Sétanta, fils de Sualtam. Je suis
persuadé qu’il vient d’être tué par le chien. »
    Alors, les Ulates qui entouraient Conor se levèrent comme un
seul homme et, bien que la porte de la forteresse fût ouverte, chacun se rua à
la recherche du petit garçon en sautant par-dessus les palissades [76] .
Toutefois, si vite qu’ils courussent tous, Fergus, fils de Roeg, les devança
sur les lieux d’où avait jailli l’aboiement et, non sans stupeur, aperçut la
bête qui gisait, disloquée, dans l’herbe et, à côté d’elle, fort paisible, le
petit garçon. Alors, il le hissa sur ses épaules et retournant vers les Ulates,
le présenta à Conor au moment même où Culann sortait de chez lui. En voyant
Sétanta vivant, le forgeron s’empressa de gagner le tertre et y découvrit les
membres épars du chien, baignant dans une mare de sang. À ce spectacle, son
cœur cogna très fort dans sa poitrine ; il rentra dans la forteresse gorgé
d’amertume et, s’avançant vers Conor qui tenait l’enfant dans ses bras, il dit
à ce dernier : « Sois le bienvenu dans ma maison. Néanmoins, si je t’accueille
par ces paroles, c’est par égard pour ton père, pour ta mère et pour le roi
Conor, et non pour toi-même. – Qu’as-tu donc contre lui ? s’étonna Conor.
– J’ai, roi Conor, que ce jour où tu es venu manger ma nourriture et honorer ma
boisson m’est un jour néfaste. Sache-le, tout ce que je possède est en danger, maintenant
que mon chien est mort par la faute du petit garçon que tes bras enserrent. »
    Et il se mit à se lamenter si fort et si longuement que tous
ceux qui se trouvaient là gardèrent le silence.
    « Ô petit garçon ! s’écria-t-il enfin, c’est un
bon serviteur que tu viens de tuer. Il veillait sur mon bétail, il veillait sur
ma maison et sur tous les biens qui sont miens. Qui me protégera désormais
contre mes ennemis et contre quiconque aura fantaisie de s’attaquer à moi ?
– Ne sois pas fâché, je t’en prie, mon père Culann, répondit l’enfant, car je
vais te donner une compensation équitable pour le dommage que je t’ai causé. – Une
compensation ? demanda Conor, et laquelle ? – Eh bien, voici, dit
Sétanta. S’il existe en Irlande un chiot né de la semence de ce chien, je jure
de l’élever jusqu’à ce qu’il soit à même d’agir comme son père et de garder
fidèlement les biens de mon père Culann. Mais je jure également que pendant
tout ce temps, je serai moi-même le chien protecteur des troupeaux, des biens
et de la maison de Culann. – Tu viens de prononcer là un bon jugement, mon
garçon, dit Conor, et la compensation que tu proposes me semble parfaitement
équitable. – Certes, intervint le druide Cavad, je n’aurais moi-même pu
prononcer de meilleur jugement que celui-ci. Et voilà pourquoi je propose d’appeler
désormais cet enfant Couhoulinn [77] ,
puisqu’il s’est déclaré devant tous les Ulates le fidèle Chien
de Culann . – Non ! protesta

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