Les compagnons de la branche rouge
partagea ceux-ci, devant le feu, entre tous les guerriers de la
Branche Rouge, qui s’en trouvèrent quelque peu ragaillardis pour affronter l’adversaire,
en attendant les renforts.
Car, chaque jour, les combats reprenaient de plus belle sous
les murailles. Les hommes de Leinster prétendaient avoir eux-mêmes bâti Dun Étair
et en connaître, par conséquent, tous les recoins et toutes les entrées. Mais
les Ulates veillaient, qui avaient établi de garde à la grande entrée Messdead,
fils d’Amorgen, frère de lait de Couhoulinn, alors âgé de sept ans, et qui, plus
courageux qu’un loup mourant de faim, avait de sa main tué neuf hommes en un
seul jour. Quant à Couhoulinn, Conor lui avait interdit de prendre part au
combat tant que les secours ne seraient pas arrivés.
Cependant, les guerriers qu’avait rassemblés Leborcham
survinrent enfin, par mer, à bord de bateaux, et trois cents héros débarquèrent
sur le rivage, au pied des murailles de Dun Étair. En les voyant, les hommes de
Leinster tentèrent un dernier effort pour s’emparer de la forteresse et se
précipitant vers la grande porte, s’y heurtèrent au petit Messdead, fils d’Amorgen,
qui poussa un terrible cri de guerre ; mais ils l’assaillirent avec tant
de vigueur qu’il finit par succomber. Et ils lui coupèrent la tête. Or, à l’intérieur
de la forteresse, Couhoulinn avait entendu le cri du fils d’Amorgen.
« Est-ce le ciel qui hurle ? s’écria-t-il en se
précipitant vers la mêlée. Est-ce la mer qui monte ou la terre qui tremble ?
Ou bien est-ce le cri de guerre de mon frère engagé dans une lutte par trop
inégale ? »
S’ensuivit une dure bataille. Les attaques succédaient aux
attaques, violentes de part et d’autre, et des plus sanglantes. Mais, d’abord
scindées, les troupes ulates finirent par se rejoindre et, dès lors, les hommes
de Leinster ne songèrent plus qu’à se replier, dans le plus grand désordre, et
talonnés avec d’autant plus de rage. Terribles furent les prouesses que les
héros accomplirent sous les murailles de Dun Étair. À la fin, les hommes de
Leinster construisirent en hâte un mur rouge, car un interdit empêchait les
Ulates de franchir un obstacle de cette couleur. Alors, Conor regroupa ses
hommes et, sous sa conduite, tous regagnèrent leur pays.
Toutefois, s’ils se dirigeaient vers le nord, l’un d’entre
eux était demeuré sur place, qui rôdait dans la campagne : Conall Cernach.
Il avait en effet refusé de suivre ses compagnons, parce qu’il voulait venger
la mort de son frère, le petit Messdead, et il était bien décidé à ne rentrer
chez lui qu’après avoir pris une vengeance éclatante au détriment d’un héros de
Leinster.
Pendant ce temps, tandis que ses guerriers se dispersaient
et regagnaient leurs maisons, le roi Mesgegra poursuivait son chemin, en la
seule compagnie de son cocher. Harassés l’un et l’autre, ils ne pensaient qu’à
se reposer. Ils arrivèrent aux abords d’un gué, sur le chemin de Clone, et s’y
arrêtèrent.
« Si tu me le permets, ô roi, dit le cocher, je vais
dormir maintenant, et toi, tu dormiras ensuite. – Qu’il en soit selon ton désir »,
acquiesça le roi.
Or, tandis que le cocher sombrait dans un profond sommeil, Mesgegra
regardait tristement l’eau de la rivière. Quand, tout à coup, il aperçut une
noix merveilleuse qui, portée par le courant, venait droit sur lui. Abasourdi
de la voir si grosse, car elle avait la taille d’une tête d’homme, le roi se
pencha, s’en saisit et l’ouvrit avec son poignard, en mangea la moitié, réservant
l’autre à son cocher. Mais, comme il achevait sa part, il vit que ce dernier s’était
mis debout, toujours endormi. Et il fallut à l’homme un bon moment pour se
réveiller tout à fait.
« Que t’arrive-t-il, mon garçon ? demanda Mesgegra.
– J’ai fait un mauvais rêve, répondit le cocher. – Eh bien, dit le roi, amène
les chevaux, attelle-les, et repartons au plus vite. »
Le cocher s’empressa d’obéir mais, ce faisant, il aperçut la
moitié de coquille.
« As-tu mangé cette noix ? demanda-t-il. – Oui, certes,
répondit le roi. – M’en as-tu gardé une moitié ? – J’avoue l’avoir passablement
entamée…, dit le roi, sans rire.
— Comment ! s’écria le cocher avec colère. Il faut
qu’il soit bien ingrat, celui qui mange en tapinois la plus grosse part ! »
Le roi, qui cachait la moitié de noix dans son
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