Les compagnons de la branche rouge
dans une grande prairie, non loin de la
forteresse royale mais, en les édifiant, ils avaient surtout songé à y cacher
Déirdré, car ils craignaient qu’elle ne causât leur perte.
Or, un matin, l’intendant du roi vint, de bonne heure, les
visiter et faire le tour des maisons qu’ils habitaient. Dans l’une de celles-ci,
il aperçut Déirdré et Noisé qui dormaient encore et émerveillé de la beauté de
la jeune femme, il regagna aussitôt la forteresse et s’en fut réveiller le roi.
« Ô roi, dit-il, jusqu’à présent, nous n’avons pas
trouvé de femme digne de toi. Mais j’en sais une qui ferait une compagne idéale
pour un grand roi d’Occident. Auprès de Noisé, l’aîné des fils d’Usnech, se
trouve en effet une femme de toute beauté qui te conviendrait à la perfection. Si
tu ordonnes que l’on tue Noisé et ses frères, la femme pourra dormir avec toi.
– Non pas ! protesta le roi d’Écosse. Il serait indigne de moi que l’on
tue cet homme que j’ai pris à mon service et qui a toute confiance en moi. Contente-toi
d’aller faire ma cour, en secret, tous les jours, à cette femme, en lui
promettant de nombreux cadeaux. »
L’intendant suivit en tous points les ordres du roi. Tous
les jours, il vint visiter les fils d’Usnech et s’arrangea pour parler sans
témoins à Déirdré, lui démontrant l’intérêt qu’elle aurait à accepter les
demandes du roi d’Écosse. Mais Déirdré, tous les soirs, contait ponctuellement
la chose à Noisé.
Mais l’intendant, aussi mécontent de ne pouvoir rien obtenir
d’elle qu’anxieux de mécontenter son maître, conseilla à celui-ci d’envoyer les
fils d’Usnech dans des expéditions périlleuses et de les exposer à de durs
combats. Ils finiraient bien par s’y faire tuer, et Déirdré, demeurée seule, n’aurait
pas d’autre solution que de répondre aux sollicitations du roi. Mais les fils d’Usnech
étaient si courageux et valeureux qu’à quelques difficultés et périls qu’on les
exposât, ils se sortaient toujours d’affaire. Ils revinrent toujours vainqueurs
des guerres qu’ils menèrent, et leur réputation ne cessa de grandir.
Cependant, de peur de perdre la confiance du roi d’Écosse, l’intendant
imagina une bonne traîtrise envers les fils d’Usnech. Il persuada les guerriers
d’Écosse que les émigrés d’Ulster voulaient s’emparer du pouvoir et tramaient d’assassiner
le roi. Ayant réussi à les convaincre, il les rassembla et prépara un plan d’attaque.
Mais Déirdré, qui savait très bien comment faire parler l’intendant, eut vent
du complot.
« Vous êtes en danger, dit-elle aux fils d’Usnech. Il
vous faut partir au plus vite, car les hommes d’Écosse viendront cette nuit
vous tuer pendant votre sommeil. »
Les fils d’Usnech assemblèrent donc en hâte les membres de
leur famille et leurs serviteurs et, après avoir réuni ce qu’ils avaient de
biens, ils s’embarquèrent dès la nuit venue à bord de bateaux qu’ils avaient
construits. Et ils s’installèrent dans une île sise à mi-distance de l’Irlande
et de l’Écosse.
Cette aventure fut contée aux Ulates, à Émain Macha, et elle
parvint aux oreilles du roi Conor qui tenait son assemblée dans la maison de la
Branche Rouge.
« Il est vraiment malheureux, ô roi, dirent les Ulates,
que les fils d’Usnech soient menacés par les hommes d’Écosse et qu’ils risquent
de tomber en pays étranger par la faute d’une femme qui porte toutes les
malédictions du monde. Si les hommes d’Écosse les tuent, nous serons déshonorés.
Mieux vaudrait tout de même que nous en fassions justice nous-mêmes. Seulement,
pour cela, il conviendrait que les fils d’Usnech revinssent en leur pays. – Votre
conseil est bon, acquiesça Conor, et je vais le suivre. Envoyez-leur des
messagers, et faites-leur dire qu’ils seront les bienvenus en Ulster. Et qu’on
leur fournisse toutes les cautions qu’ils demanderont. »
On envoya donc des hommes de confiance inviter les fils d’Usnech,
de la part du roi Conor, à revenir dans le pays de leurs pères.
« Nous reviendrons volontiers, répondirent-ils, trop
heureux de faire la paix avec le roi Conor. Mais nous ne partirons d’ici que
nous n’ayons obtenu des garanties quant à notre sécurité. Nous exigeons des
garants. – Quels sont ceux que vous désirez désigner ? leur demanda-t-on.
– Trois hommes qui sont bien considérés chez les Ulates, à savoir Fergus,
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