Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
Vom Netzwerk:
Ulates peine et terreur, en expiation de la fin déplorable des fils d’Usnech.
Ainsi, chaque nuit, les Ulates craignaient-ils que Fergus et ses hommes ne
vinssent semer le désordre et la mort en leur sein.
    Quant à Déirdré, de toute l’année qu’elle passa auprès de
Conor, elle n’ouvrit la bouche que pour manger et boire tout juste de quoi
survivre et pour se lamenter, sans seulement lever la tête de dessus ses genoux.
Et, quand on lui amenait des jongleurs pour essayer de la distraire de son
chagrin, elle chantait ceci :
     
    Quelque beaux que soient à vos yeux les héros
    qui marchent dans la plaine vers Émain,
    ils marchaient plus noblement vers leur maison,
    les trois fils héroïques d’Usnech…
    Quelque doux que soit pour vous l’hydromel exquis
    que distribue pour vous le fils de Ness,
    j’avais auparavant, sur le rivage de la mer,
    breuvage plus abondant et plus doux…
    Quelque harmonieux que soient pour vous
    les flûtistes et les cornistes du roi,
    je peux bien avouer aujourd’hui
    que j’ai entendu une plus belle musique…
    Harmonieux sont pour le roi Conor
    les flûtistes et les cornistes,
    mais plus belle encore était pour moi
    la tendre voix des fils d’Usnech…
    Maintenant, je ne dors plus,
    mes ongles ne sont plus empourprés,
    la joie ne me vient plus quand je songe,
    depuis que ne sont plus les beaux fils d’Usnech…
    Aujourd’hui, je ne dors plus,
    la moitié de la nuit, dans mon lit,
    car mon esprit s’élance vers les deux
    et je ne sais plus où je suis…
    De joie, aujourd’hui, je n’en ai plus,
    à l’assemblée d’Émain où vont les nobles,
    ni paix, ni plaisir, ni repos,
    ni grande maison, ni beaux ornements…
     
    Et elle se lamentait ainsi interminablement sans que
personne pût parvenir à diminuer son chagrin. Et, lorsque Couhoulinn, qui était
absent lors du meurtre des fils d’Usnech, vint la trouver, elle put seulement
lui répéter ce qu’elle chantait aux jongleurs. Aussi, Couhoulinn reprocha-t-il
vivement à Conor son attitude, ce dont le roi fut extrêmement affecté. Quant au
druide Cavad, il lui disait souvent : « Ô mon fils, pourquoi n’avoir
pas écouté ce que j’avais prédit dès avant la naissance de cette fille ? Cela
eût épargné bien des souffrances et bien des blessures parmi les Ulates. Sache
qu’il n’est pas bon de défier le destin comme tu l’as fait… »
    Néanmoins, Conor se rendait parfois dans le lieu où Déirdré
se tenait prostrée, et il tentait de calmer sa douleur et son chagrin. Mais
elle, sans même relever la tête, se contentait de lui chanter cette autre
lamentation :
     
    Ô Conor, que veux-tu ?
    Tu m’as causé chagrin et larmes.
    Pour moi, tant que je serai en vie,
    ton amour me fera fuir…
    Celui qui fut pour moi le plus beau,
    celui qui fut si cher à mon cœur,
    tu me l’as enlevé cruellement
    et tu l’as conduit à la mort…
    Il a disparu maintenant, hélas !
    l’aspect sous lequel paraissait le fils d’Usnech,
    tertre noir de jais sur un corps blanc,
    que toutes les femmes admiraient…
    Deux joues de pourpre plus belles que le feu,
    des lèvres rouges, des cils noirs comme un scarabée,
    des dents couleur de perle,
    comme la noble teinte de la neige…
    Il m’était bien connu, son clair vêtement,
    parmi les guerriers d’Écosse.
    Son manteau de belle pourpre pour l’assemblée
    était tout brodé d’or rouge…
    Sa tunique de satin, grand trésor,
    que cent mains avaient façonnée,
    il avait fallu pour la broder
    cinquante onces de laiton…
    Une épée à poignée d’or dans sa main,
    deux javelots gris à la terrible pointe,
    un bouclier bordé d’or jaune,
    avec une bosse d’argent…
    Ne brise pas aujourd’hui mon cœur,
    car bientôt j’irai vers ma tombe.
    Le chagrin est plus fort que la mer,
    le sais-tu, ô Conor ?
     
    Or, un jour, lassé d’entendre une nouvelle fois la
complainte de Déirdré, Conor s’emporta jusqu’à demander :
    « De tous ceux qui t’entourent, quel est donc l’homme
que tu hais le plus ? – Je ne te cacherai rien, répondit Déirdré. En
vérité, après toi-même, c’est Éogan, fils du roi de Fernmag, que je hais le
plus, pour avoir tué celui que j’aimais. – Eh bien, s’écria méchamment Conor, tu
seras sa compagne pendant une année entière ! »
    Et, sur ce, il manda Éogan et lui remit Déirdré. Le
lendemain, quand les Ulates quittèrent Émain Macha pour se rendre à l’assemblée
de Tara, Déirdré se

Weitere Kostenlose Bücher