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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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lâchait pas des yeux le bossu, elle dégrafa le col de sa robe et dégagea ses épaules pour laisser apparaître ses seins ronds et pleins comme deux fruits murs.
    Afra n’aurait jamais imaginé que cette situation puisse l’exciter elle aussi.
    L’infirme, intimidé, tendit une main sans oser la toucher. Il tomba à genoux à ses pieds en joignant ses mains comme pour prier.
    Afra sentit ses lèvres trembler. Elle éprouvait de la pitié envers cet homme. Elle attendit encore quelques instants avant de se rhabiller.
    Le portier se redressa et s’inclina devant Afra avec la solennité théâtrale d’un prêtre pendant l’introït.
    Il respirait difficilement et secouait la tête avec incrédulité.
    — Attendez ici, dit-il finalement, je vais aller voir si none a déjà commencé.
    Lorsque la porte se referma, Afra remarqua qu’il n’y avait pas de poignée à l’intérieur. Bien qu’elle fût enfermée, elle ne ressentait aucune peur. Avait-elle eu raison d’accepter ?
    Tandis qu’elle réfléchissait, elle entendit des pas. Le portier passa la tête dans l’embrasure de la porte.
    — Venez, dit-il tout bas, la voie est libre. Puisque vous avez supporté de me voir, vous ne vous laisserez pas impressionner par le reste.
    Afra faillit acquiescer mais elle se ravisa.
    Ils avançaient en silence, l’infirme en tête, longeant un couloir aux murs nus aboutissant dans une cage d’escalier en colimaçon. Ils gravirent les marches en pierre usées par les années.
    Une fois arrivés sur le palier du deuxième étage, ils empruntèrent un autre couloir qui tournait à angle droit en direction de l’aile transversale du bâtiment. Devant eux se dressait maintenant une grande porte à deux battants aux poignées si hautes qu’il fallait se hisser sur la pointe des pieds pour les atteindre.
    Lorsque le bossu ouvrit le battant droit, un courant d’air chaud et fétide leur fouetta le visage, comme lorsqu’on entre dans une étable. De part et d’autre de la salle immensément longue, s’alignaient les unes à côté des autres des cellules fermées par des portes à claire-voie. Des misérables créatures végétaient là, couchées sur de simples paillasses sentant le moisi. Des êtres contrefaits comme le portier, des hommes atteints de folie s’accrochaient comme des animaux curieux aux barreaux de leur cage.
    Quand Afra et le portier passèrent, certains poussèrent des grognements. L’air était asphyxiant.
    Le portier allait tête baissée, jetant des regards discrets sur Afra.
    — C’est vous qui l’avez voulu, dit-il en marchant. Vous n’avez pas l’habitude de ce genre de parfum…
    Afra respirait à peine.
    Elle entendit bientôt la voix sonore d’un vieil homme déclamant un texte en latin. Il continua tranquillement lorsqu’Afra et le bossu arrivèrent à la hauteur de sa cellule qui, contrairement aux autres, était ouverte.
    Afra n’osa pas l’interrompre. L’homme avait une allure de prophète avec son épaisse chevelure frisée aux reflets argentés et sa longue barbe tombant sur la poitrine qui se soulevait quand il parlait.
    Quand il eut terminé, il regarda rapidement Afra :
    — Horace, à sa muse Melpomène, ajouta-t-il en guise d’explication.
    Afra sourit aimablement puis se tourna vers le bossu :
    — Voulez-vous bien nous laisser seuls un instant ?
    Le portier marmonna quelque chose et disparut.
    Ils se regardèrent un moment sans dire un mot, puis le vieux lui demanda sur un ton bourru :
    — Que voulez-vous, je n’ai rien demandé. Et de plus, qui êtes-vous ?
    — Je m’appelle Afra et je viens vous voir au sujet d’une affaire particulière. Vous avez la réputation d’être très intelligent. On dit que vous avez lu tous les livres que contient la bibliothèque des dominicains.
    — Qui prétend cela ?
    Tout à coup, le vieux sembla intéressé.
    — Jakob Luscinius qui vous remplace désormais.
    — Je ne le connais pas. Et en ce qui concerne l’intelligence, dit-il en rejetant la main en arrière, un des hommes les plus intelligents qui soient, le sage Socrate, disait à la veille de sa mort : Oida uk oida  –  j e sais que je ne sais rien .
    — Vous êtes tout de même un homme très cultivé !
    — Je l’ai été, femme, je l’ai été. Regardez ce livre, l’ a ncien t estament, c’est le seul qu’on m’ait laissé le droit de consulter. Ma vue baisse. m es yeux se refusent sans doute à voir les horreurs de ce monde.

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