Les Conjurés De Pierre
document !
Le bossu hocha la tête comme s’il savait de quoi il s’agissait, puis il fit sortir Afra de la cellule. Ils se précipitèrent dans l’escalier menant au rez-de-chaussée. Lorsque la petite porte basse se referma derrière Afra, elle se sentit soulagée et libre.
Le jour touchait à sa fin. Elle prit une grosse bouffée d’air frais et partit.
Les propos du vieux sage l’avaient plus troublée qu’ils ne l’avaient éclairée. Elle jeta des regards angoissés à l’entour pour s’assurer que personne ne la suivait. Elle savait maintenant qu’elle était en danger. Et vraisemblablement, elle ne devait la vie qu’à l’existence du parchemin. Aussi longtemps qu’elle l’aurait en sa possession, il ne lui arriverait rien.
En s’approchant du pont, les paroles du moine lui revinrent à l’esprit : « Le pape de Rome vous couvrirait certainement d’or, de pierres précieuses et de terres si vous lui cédiez le document. » Cela correspondait exactement aux allusions de son père, même s’il n’avait pas été aussi explicite.
Afra passa sur le passage de pierre au-dessus de l’Ill qui coulait nonchalamment. Des gens affolés se dirigeaient vers le nord de la ville. Des femmes retroussaient leurs jupes pour marcher plus vite. Des hommes accouraient des rues adjacentes avec des seaux d’eau. Soudain, elle entendit les cris :
— Au feu ! Au feu !
Afra accéléra le pas. Une foule compacte s’était engouffrée dans la Predigergasse. Un autre groupe arrivait de la Münstergasse. Un nuage de fumée épaisse progressait vers elle, répandant une forte odeur de chaume brûlé.
Le ciel rougeoyait au-dessus de la Bruderhofgasse. Afra commença à s’inquiéter. Elle avait un mauvais pressentiment, comme si la fin du monde approchait. Des hommes formaient une chaîne jusqu’à la rivière. Les seaux d’eau passaient de main en main.
« Eh – Oh ! » Les murs renvoyaient en un sinistre écho leurs appels. « Eh – Oh ! »
Afra s’arrêta au bout de la Bruderhofgasse. Elle regarda droit devant : sa maison était en feu.
Une colonne de flammes rougeoyantes s’élevait du toit de chaume. De la fumée noire s’échappait des fenêtres. Les pompiers avaient déjà abandonné la bâtisse au feu. Juchés sur des échelles mobiles, ils essayaient désespérément d’empêcher le feu de gagner les maisons attenantes.
C’était l’heure des curieux : ils se pressaient pour voir ce spectacle excitant qui leur fournirait l’occasion de faire la fête, de danser, de chanter et de se réjouir puisque le feu les avait épargnés une fois de plus.
Afra, atterrée, regardait les flammes détruire sa maison. Avec elle disparaissait une partie de sa vie, l’unique moment de bonheur qu’elle ait cru connaître puisqu’elle savait maintenant qu’elle s’était trompée.
Il lui sembla que les flammes qui montaient et la fumée qui noyait sa maison marquaient le terme de sa vie à Strasbourg.
À chaque poutre tombée, à chaque mur effondré, les spectateurs poussaient des cris de joie comme à la foire où, pour deux sous, ils plongeaient un fou écumant de bave enfermé dans une cage dans un baquet d’eau. Afra, excédée et à bout de forces, cacha son visage dans ses mains.
Lorsque la populace se fut un peu calmée, les questions surgirent : à qui appartenait la maison ? Qui y logeait ? Où étaient passés ses habitants ?
Bien qu’Afra craignît qu’on la reconnaisse, elle restait là sans bouger.
Une marchande portant une hotte sur son dos expliqua aux badauds que c’était la maison de l’architecte et de sa femme, de drôles de gens qui sortaient peu. Un homme barbu et élégant, sans doute un membre du conseil de la ville, raconta que le prévôt venait d’arrêter maître Ulrich. On le soupçonnait d’avoir assassiné l’infirme Werinher Bott.
La nouvelle se répandit rapidement. Afra préféra s’éloigner sans savoir comment le feu avait pris.
Elle avait tout perdu, sa modeste fortune, ses vêtements et l’homme en qui elle avait confiance.
Ulrich, un assassin ! Le mot lui trottait dans la tête. Se pourrait-il qu’il ait vraiment assassiné sa femme ? En proie à la confusion la plus grande, elle partit vers le couvent des dominicains où se trouvait, cachée dans la bibliothèque, la seule chose qui lui restait : le parchemin.
Elle se sentait vide et désemparée. Le désespoir la poussait vers le couvent.
Son père ne lui
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