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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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étendue et hébétée.
    Un chien aboya sur l’autre rive du canal. Peu après, l’animal se tut. Le calme était revenu. Afra avait mal au dos. Elle essaya de bouger ses bras, ses jambes et sa tête. Hormis la douleur, tout allait bien.
    Par chance, elle ne s’était rien cassé, et tenta péniblement de se lever. À peine fut-elle debout qu’elle retomba. La gondole tanguait dangereusement.
    La deuxième tentative fut la bonne, Afra était maintenant debout dans un équilibre précaire.
    La corde dont la jeune femme s’était servie pour descendre pendait à moitié dans l’eau. Elle la releva et la jeta dans le fond de la coque à côté de son balluchon. Puis elle saisit la gaffe. Elle avait souvent admiré la dextérité des gondoliers qui, à l’aide d’une seule perche, dirige leur embarcation en ligne droite sur les canaux. Mais elle avait sous-estimé leur adresse.
    Par manque de maîtrise, Afra entraîna la barque dans une danse incontrôlée.
    Le bateau tournait sur lui-même, cognant tantôt de la proue tantôt de la poupe les murs des maisons.
    Afra renonça, désespérée. Elle releva la gaffe et s’en servit pour se tirer le long des maisons jusqu’à un petit pont de bois enjambant le canal. Les premières lueurs de l’aube éclairaient déjà le ciel au-dessus des maisons. Il fallait qu’elle abandonne le bateau.
    Elle l’amarra solidement à un des piliers du pont puis elle lança son balluchon par-dessus le garde-corps et se hissa sur le pont.
    Épuisée, elle se reposa quelques instants puis essaya de se repérer. À défaut d’emprunter les voies d’eau pour aller vers le sud, il lui faudrait passer par la terre au risque de se perdre dans ce dédale de ruelles étroites et de se retrouver à son point de départ après avoir longtemps tourné en rond. Il était d’autant plus facile de se fourvoyer qu’il faisait encore nuit.
    Afra crut entendre au loin des voix aiguës. Elle songea immédiatement aux bénédictines de San Zaccaria. Leonardo lui avait expliqué qu’au cas où elle se perdait, il suffisait qu’elle demande l’abbaye de San Zaccaria.
    Il ne s’était pas privé de mentionner au passage les mœurs dépravées de ces nonnes issues en grande partie de la noblesse, qui prenaient le voile à défaut de trouver des maris. San Zaccaria était situé à proximité du port. Elle se dirigea donc à l’endroit d’où semblaient venir les laudes.
    Elle atteignit le campo San Zaccaria plus rapidement que prévu. Les feux projetaient sur le campo une lumière fantomatique.
    Des hommes vêtus de longues robes alimentaient les brasiers avec de grosses bûches. Leurs silhouettes étranges dansaient sur les façades. Devant le porche de l’église s’amoncelaient des cadavres enveloppés dans des linges prêts à être jetés au feu.
    Un épais nuage de fumée recouvrait le campo et les cadavres d’où se dégageait une puanteur insupportable. Afra longea, terrifiée, les maisons du côté ouest de la place. Elle n’avait qu’une idée en tête : quitter la ville. Un passage étroit au sud du campo menait à la riva degli Schiavoni, le quai des Dalmates, ainsi nommé à cause des nombreux marchands en provenance de Dalmatie qui y débarquaient en bateaux. Bien que le jour n’ait pas encore complètement dissipé les ténèbres, l’activité battait déjà son plein sur le quai. Les Vénitiens craignant l’épidémie boudaient, contrairement à leur habitude, les produits d’origine vénitienne qui pourraient être contaminés. Les marchandises de l’étranger pénétrant au compte-gouttes dans la ville avaient vu leurs prix multipliés par trois.
    Toute tentative de quitter la ville illégalement était passible d’une peine. Seuls les étrangers, pouvant prouver leur identité, étaient autorisés à trouver un embarquement après avoir subi une visite médicale dans la capitainerie et une désinfection par fumigation. Pour s’embarquer sur un bateau, les Vénitiens n’hésitaient pas à se faire passer pour des étrangers en s’accoutrant de déguisements grotesques. Ceux qui avaient de gros moyens payaient des sommes faramineuses pour obtenir leur autorisation de sortie.
    Afra se mit sagement dans la queue des gens attendant leur tour devant la capitainerie.
    Elle fut frappée par leurs visages altérés par l’angoisse. Les Vénitiens, connus habituellement pour leur prolixité, gardaient le silence craignant de se trahir par leur dialecte et leur accent

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