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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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citoyens avaient la réputation d’avoir des mœurs légères.
    La jeune femme descendit pour la nuit dans une modeste auberge, fréquentée habituellement par des marchands et des voyageurs. Elle dut faire preuve de beaucoup de talent pour vaincre les préjugés de l’aubergiste, un grec sec comme un coup de trique, qui refusait de l’héberger. La somme rondelette qu’elle lui donna eut raison de l’opinion préconçue, et de la sienne en l’occurrence, qui veut que, de Naples à Rome, toute femme voyageant seule ne soit qu’une putana, une courtisane comme on les appelle couramment au nord des Alpes. Cette première épreuve ne présageait rien de bon pour la suite de son voyage.
    Afra eut tout le temps de réfléchir durant le long trajet qui la menait vers le nord. N’aurait-elle pas intérêt à se faire passer pour un homme ? Elle y avait déjà songé sur le bateau et avait conservé dans ses bagages l’accoutrement que lui avait donné le capitaine. L’idée de se déguiser en homme pour quelques jours, semaines ou mois, lui coûtait un peu mais, après tout, personne n’en saurait rien. Il lui faudrait non seulement prendre les apparences d’un homme mais aussi en adopter les attitudes.
    Et, de toute manière, pour s’introduire dans l’abbaye du Mont-Cassin, elle n’avait pas d’autre solution. Quand elle arriva dans un petit village situé au pied du Monte Petrella, d’où partait le chemin peu carrossable menant au Mont-Cassin, elle se fit couper les cheveux courts comme un page.
    Comme elle ne comprenait pas ce que le barbier lui disait, elle se sentit libre de ne pas lui expliquer les raisons de sa démarche.
    Le trajet sur le sentier escarpé à travers les montagnes fut long et pénible. Elle mit un jour de plus que prévu. La nuit suivante, elle s’arrêta dans le village de San Giorgo, sur les rives du Liri, pour reposer son cheval et tester sa nouvelle identité.
    Ce petit fleuve charmant, capricieux et sinueux, qui se jette dans le Garigliano, était presque à sec à cette saison. Les jours raccourcissaient. Les auberges, bondées de pèlerins se rendant sur la tombe de saint Benoît au printemps et en été, étaient désertes.
    Le patron de l’unique auberge et taverne du lieu fut surpris mais ravi de voir arriver un hôte qu’il n’attendait plus. Il lui adressa des « jeune homme » par-ci, des « jeune homme » par-là. Pendant que les palefreniers s’occupaient du cheval, de la voiture et des bagages, Afra alla se restaurer et, pour s’entraîner, adopta des attitudes viriles, crachant et toussant à s’en décoller la plèvre, comme un cocher aguerri après une longue et fatigante journée de voyage.
    Le lendemain matin en reprenant sa route, elle était certaine de faire illusion. Vers midi, elle arriva à Cassino, le petit village abandonné qui avait donné son nom à l’abbaye.
    Cette forteresse imprenable qui avait résisté aux assauts de plusieurs guerres, l’abbaye fondatrice de tous les couvents d’Occident, surplombait la vallée, accrochée au flanc de la montagne.
    Les quatre étages superposés et la multitude de fenêtres ressemblant à des meurtrières laissaient imaginer la superficie des bâtiments et le nombre de ses occupants.
    Personne ne savait combien de moines, de lettrés, de théologiens, d’historiens, de mathématiciens et de bibliothécaires abritaient ces murs délabrés.
    On disait aussi qu’ils n’y vivaient pas en parfaite harmonie. Soixante-cinq ans plus tôt, un tremblement de terre avait détruit une grande partie de l’abbaye. Des siècles auparavant, les Lombards, les Sarrasins et l’empereur Frédéric II l’avaient attaquée ; ils avaient chassé les moines et y avaient installé une garnison.
    Au pied de la montagne, à l’endroit d’où partait l’étroit chemin montant à l’abbaye, si étroit qu’il était impossible de croiser une voiture venant en sens inverse, un moine apostropha Afra :
    — Dieu vous salue, noble jeune homme. Où vous rendez-vous donc ainsi ?
    — À l’abbaye de saint Benoît, répondit-elle. N’y allez-vous pas vous-même ?
    Le jeune homme dans sa bure noire acquiesça.
    — Faites-moi monter, je vous montrerai le chemin.
    — Alors, grimpez !
    Le moine retroussa sa bure et se hissa sur la voiture.
    — Permettez-moi de vous signaler, jeune homme, qu’il vous faudra vous dépêcher si vous voulez atteindre votre but avant la tombée de la nuit.
    Afra mit sa main en

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