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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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visière au-dessus de ses yeux et regarda la crête de la montagne.
    — Ne vous faites pas d’illusion, fit le bénédictin, la route ne cesse de monter et de tourner. Même une bête puissante comme la vôtre ne peut mettre moins de trois heures, sans compter les haltes.
    — Et savez-vous où je peux loger et mettre mon cheval à l’abri pour la nuit ?
    — Ne vous inquiétez pas, il y a à l’entrée de l’abbaye une hostellerie pour les pèlerins et les savants qui viennent travailler ici quelque temps. Mais dites-moi ce qui vous amène jusqu’à la montagne de saint Benoît ?
    — Les livres, frère, les livres !
    — Mais vous n’êtes pas bibliothécaire ?
    — Si, en quelque sorte, répondit Afra d’un air détaché. Et vous ? Quelle profession exercez-vous derrière les murs du Mont-Cassin ?
    — Je suis alchimiste.
    — Alchimiste ? Moine et alchimiste ?
    — Qu’y a-t-il d’étonnant à cela, jeune homme ?
    Afra eut un sourire malicieux.
    — Si je suis bien informée, l’alchimie ne fait pas partie des sciences qui ont reçu la bénédiction de l’Église.
    Le moine pointa un index menaçant.
    —  é coutez-moi jeune homme, l’abbaye du Mont-Cassin bénéficie d’une exemption, ce qui signifie que nous n’avons d’ordre à recevoir de personne, si ce n’est du pape de Rome en personne. De surcroît, l’alchimie est une science comme les autres. Ce n’est pas la science en soi qui est répréhensible, mais l’usage qui en est fait. Et la mauvaise réputation qui entache notre corporation ne tient pas tant à l’alchimie qu’aux alchimistes. Les alchimistes ont recours à des formules secrètes et des recettes obtenues à partir de calculs arithmétiques ou tirées des sciences naturelles, lesquels domaines sont assez éloignés de la sorcellerie.
    — Vous seriez bien un des seuls à tenir ce discours !
    — Je sais. Mais les moines du Mont-Cassin ont toujours eu la réputation d’être des insoumis. Vous aurez l’occasion de vous en apercevoir. Quant à moi, j’observe strictement la règle de saint Benoît – contrairement à beaucoup d’autres ici. Je prie le Seigneur avec mes frères et je connais par cœur des pages entières du n ouveau t estament. Et si vous interrogez l’alchimiste que je suis pour savoir si les miracles rapportés par Matthieu, Marc, Luc et Jean dans la Bible sont véritablement des miracles, je vous donnerai une réponse qui vous surprendra. Je pense que tout ce qu’a accompli notre Seigneur sur terre peut s’expliquer naturellement, scientifiquement ou grâce à l’alchimie.
    — Jésus Marie ! Vous sous-entendez par là que Jésus était alchimiste ?
    — Vous vous méprenez ! Le fait que notre Seigneur ait eu recours à l’alchimie ne signifie pas pour autant qu’il fût alchimiste. Il a simplement fait preuve d’intelligence, utilisant à bon escient ses connaissances, ce qui ne lui ôte rien de son essence divine, bien au contraire même.
    Tandis qu’Afra dirigeait le cheval dans la montée, le moine alchimiste à la tonsure irréprochable l’observait sous toutes les coutures. Il n’était pas beaucoup plus âgé qu’elle et, comme beaucoup de moines, il avait le teint pâle mais les yeux très vifs. Contrairement à Rubaldus, qui avait enveloppé son discours d’un fatras de formules mystérieuses, ce bénédictin franc et ouvert à la discussion, ne ressemblait en rien à un magicien ou à un sorcier.
    Le chemin bordé de buissons inextricables devint plus caillouteux et plus raide. Les chênes, les rouvres et les cyprès se disputaient les meilleures places sur ce sol aride où ils poussaient serrés les uns contre les autres barrant la vue sur la vallée.
    Afra arrêta la voiture dans un virage afin de reposer son cheval.
    — Est-ce loin encore ?
    — Je vous l’avais dit. Le trajet est plus long qu’on le croit. Nous ne sommes pas encore à mi-chemin.
    — Pourquoi donc, Dieu du ciel, votre abbaye est-elle située sur le point culminant de ces montagnes ? Mon cheval s’essouffle ! s’exclama Afra en flanquant une tape sur l’arrière-train de sa bête, comme le font les cochers.
    — Je vais vous expliquer : saint Benoît a choisi ce lieu paisible pour fuir la vanité bavarde du monde.
    Afra hocha la tête puis embrassa du regard la vallée. Le moine avait raison. On n’entendait quasiment pas un bruit, hormis, de temps à autre, les croassements d’un corbeau planant dans le

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