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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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s’assit à califourchon sur la chaise en lui tournant le dos, puis ferma à demi les yeux :
    — Allez, vas-y. Je ne te regarde pas, lui dit-il.
    Afra rougit. Alors qu’elle s’était dévêtue autrefois sans aucun complexe devant le peintre Alto von Brabant, elle était complètement intimidée, même subitement effrayée, terrorisée à l’idée de ses propres réactions s’il s’approchait d’elle.
    Pourtant, c’était exactement ce qu’elle souhaitait le plus ardemment, bien que son expérience des hommes lui eût déjà ôté toutes ses illusions.
    Elle y avait souvent songé dans ses heures de solitudes, se demandant si un jour elle parviendrait à se livrer à un homme sans la moindre arrière-pensée. À de tels moments, elle se sentait vide et incapable d’éprouver un sentiment quelconque d’amour.
    Après avoir retiré sa chemise, elle resta un instant nue derrière Ulrich qui ne pouvait la voir. Elle fut presque déçue qu’il ne se soit pas retourné à cet instant-là. Depuis que maître Alto l’avait immortalisée en sainte Cécile, elle tirait une certaine fierté de sa beauté. Afra enfila prestement la robe verte, ajusta le bustier sur sa poitrine et lissa le grand col.
    Et tout en remettant un peu d’ordre dans ses cheveux tressés, elle s’écria joyeusement comme une enfant qui joue à cache-cache :
    —  ç a y est ! Maître Ulrich, vous pouvez vous retourner ! 
    Ulrich von Ensingen se leva et regarda Afra avec de grands yeux étonnés. Il savait depuis longtemps qu’elle était belle, beaucoup plus belle que toutes les filles des bourgeois d’Ulm qui se rendent à l’église le dimanche avec leurs parents. Mais Afra était surtout différente des autres.
    Ses cheveux bruns brillaient comme de la soie. Ses joues avaient des reflets rosés, ses lèvres étaient pulpeuses et ses yeux scintillaient de mille promesses.
    Maître Alto lui avait appris à se tenir pour mettre en valeur ses atouts.
    Elle prit appui sur sa jambe droite, tint la gauche légèrement pliée et releva ses deux bras derrière la nuque comme pour parfaire sa coiffure.
    Cette attitude faisait ressortir sa poitrine. Ulrich mit un moment à détacher son regard de ses seins avant de le laisser glisser le long de son corps.
    Il était troublé. Son visage lui rappelait celui d’Uta, la sainte patronne de l’église de Naumburg, dont le visage est certainement le plus beau qu’on ait tiré de la pierre au nord des Alpes.
    Le corps d’Afra n’avait rien à envier à celui de la vierge sage, qui ornait depuis deux siècles le portail du paradis de la cathédrale de Magdebourg.
    Afra le regarda en souriant. Elle découvrit à son grand étonnement que le célèbre architecte Ulrich von Ensingen pouvait se laisser troubler. Il avait manifestement perdu toute sa belle assurance, évitant même de la regarder dans les yeux.
    Pour la première fois de sa vie, Afra comprenait le pouvoir qu’elle pouvait exercer sur un homme.
    — Vous ne dites rien ! fit-elle pour rompre le silence embarrassant. Je comprends pourquoi. Vous trouvez qu’une telle robe ne convient pas à une fille comme moi, à une serveuse. J’ai raison, n’est-ce pas ? 
    — Mais au contraire, s’empressa de répondre Ulrich. Je n’en reviens pas. Je dirais plutôt qu’une fille aussi belle que toi n’est pas à sa place dans une cantine. 
    — Ne vous moquez pas de moi, maître Ulrich ! 
    — Absolument pas. Il fit un pas vers elle. Depuis notre première rencontre là-haut dans la baraque, je ne cesse de penser à toi. 
    — Vous avez bien su le cacher, répliqua Afra que ces flatteries mettaient mal à l’aise. Jusqu’à présent, je vous prenais plutôt pour un ours marié à l’architecture. En tout cas, vous n’êtes pas particulièrement aimable pour quelqu’un à qui j’ai sans doute sauvé la vie.
    — Je sais. En ce qui concerne l’ours, tu n’as pas tout à fait tort. Tous les véritables artistes vivent repliés sur eux-mêmes, concentrés sur leur art. Cela vaut pour les poètes, les peintres et les architectes et tous ont un point commun : pour créer, il leur faut une muse, un être féminin d’une beauté exceptionnelle qu’ils vénèrent et qu’ils glorifient dans leurs œuvres. Souviens-toi de cette femme que Walther von der Vogelweide, célèbre dans ses Mädchenliedern, ou songe encore à Hubert van Eyck, le plus grand peintre de notre époque. Ses madones ne sont pas des saintes, mais

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