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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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à jouer comme si de rien
n’était.
    Mais ils découvrirent autre chose. Il y avait trois rangées
d’objets sur l’un des murs de la maison, d’une porte à l’autre : une de
broches d’or et d’argent dont les épingles étaient fichées dans le mur ;
la suivante de torques d’or, chacun ayant la dimension d’un cercle de
cuivre ; la dernière, enfin, d’épées très grandes, dont les poignées d’or
étaient incrustées de pierres précieuses. S’avançant davantage dans la salle,
ils aperçurent au milieu, sur le foyer, un bœuf rôti, du lard cuit et de grands
vaisseaux emplis d’un breuvage à l’odeur agréable. « Cela nous est-il
destiné ? » demanda Bran, se tournant vers le chat.
    Le chat le regarda un instant, puis il reprit son jeu en
sautant d’un pilier à l’autre. Bran comprit alors que ce repas avait été
préparé à leur intention. Ils mangèrent et burent autant qu’ils le purent, puis
ils s’endormirent sur des lits qui se trouvaient là. Le lendemain matin, quand
ils se réveillèrent, ils versèrent les boissons dans des pots et ramassèrent les
reliefs de nourriture afin de les emporter. Mais, au moment de sortir, l’un des
frères de Bran dit : « J’aimerais bien emporter l’un de ces colliers.
– N’en fais rien, dit Bran, car je me doute que cette maison n’est pas sans
gardien. Ces objets n’ont été placés ici qu’afin d’exciter notre
convoitise. »
    Mais, sans vouloir rien entendre, son frère s’empara d’un
torque et, au même instant, le chat, qui jouait toujours d’un air aussi
tranquille, bondit sur lui, telle une flèche cruelle, et le malheureux s’embrasa
si bien qu’en une seconde il n’était plus qu’un tas de cendres. Alors, le chat
remonta sur l’un des piliers, et Bran tenta de le calmer par de douces paroles,
tout en remettant le collier à sa place. Puis, les navigateurs retournèrent à
leur bateau, fort attristés de la perte de leur compagnon.
    Ils furent à nouveau trois jours entiers sur la mer avant
d’apercevoir une île que partageait en deux parties égales une palissade
hérissée. D’un côté de celle-ci paissait un troupeau de moutons blancs, de
l’autre un troupeau de moutons noirs, tandis qu’un gros homme faisait le
va-et-vient pour partager les bêtes. Quand il prenait un mouton blanc et le
jetait par-dessus la palissade, l’animal devenait noir en touchant le sol, mais
s’agissait-il d’un mouton noir, celui-ci devenait blanc [116] .
    À ce spectacle, Bran et ses compagnons furent effrayés.
« Méfions-nous de ce sortilège, dit Bran. Nous allons faire une
expérience : jetons quelque chose de noir du côté des moutons blancs, et
nous verrons bien ce qui se passera. »
    Prenant un rameau dont l’écorce avait noirci, ils le
jetèrent sur la partie de l’île où se trouvaient les moutons blancs, et,
instantanément, le rameau devint tout blanc. Ils lancèrent alors un autre
rameau qui était blanc du côté des moutons noirs, et le rameau devint tout
noir. « Vraiment, dit Bran, cette expérience est concluante. Ne restons
pas plus longtemps dans ces parages, car il risquerait de nous arriver une
mauvaise aventure. »
    Peu après, ils parvinrent en vue d’une autre île sur
laquelle étaient rassemblées de grandes foules d’hommes et de femmes. Tous
étaient entièrement noirs, tant sur leurs corps que sur leurs vêtements. Des
filets également noirs recouvraient leurs têtes, et ils ne cessaient de se
lamenter. « Que l’un d’entre nous s’y rende et leur demande ce qu’ils ont
à se lamenter de la sorte, dit Bran. Et, par la même occasion, qu’il les
questionne au sujet de l’île où nous devons aller. »
    Le sort désigna le deuxième frère de lait de Bran. Il aborda
et se dirigea vers les gens en noir. Mais, sitôt qu’il fut parmi eux, il se mit
à se lamenter lui aussi. Bran envoya deux hommes pour le ramener ; mais
ceux-ci, loin de le reconnaître parmi les autres, se mirent eux-mêmes à pleurer
et à se lamenter. Alors Bran dit : « Que quatre hommes se rendent
là-bas avec des chaînes et, de force, en ramènent nos compagnons. Qu’ils ne
regardent pas la terre, qu’ils se couvrent le nez et la bouche pour éviter de
respirer les miasmes de cette île et ne regardent personne d’autre que ceux
qu’ils viennent chercher ! »
    Diuran, Nechtân, German et le troisième frère de Bran se
rendirent à terre et, non sans d’infinies précautions,

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