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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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devenue romanesque [13] .
    L’épopée celtique est également parcourue par des personnages
féminins qui n’ont rien à envier aux hommes. D’après la tradition, c’est une
femme primordiale du nom de Cessair qui habitait l’Irlande avant le
déluge ; et l’Irlande elle-même est devenue une entité divine ou féerique,
Banba, que certaines versions de la légende prétendent avoir survécu à ce
déluge, assurant ainsi la pérennité de cette terre située aux confins du réel.
C’est encore une femme, la fille du dieu-médecin Diancecht, qui, par sa science
et sa magie, rend la royauté à Nuada déchu en lui fabriquant un bras d’argent
aussi efficace et vivant que son bras de chair, et en le lui
« greffant » par une extraordinaire « opération »
chirurgicale. Il est vrai que les femmes sont, dans l’optique celtique, les
détentrices de pouvoirs que les hommes ignorent. La femme est toujours l’image
symbolique de la Souveraineté, parce qu’elle incarne l’ensemble de la
communauté dont le roi – accessoirement le mari – est le pivot théorique, un
peu comme dans le jeu d’échecs, où la mobilité est le propre de la reine, mais
où le roi est la pièce essentielle sans laquelle toute partie est perdue.
Aussi, les récits épiques voient-ils se succéder des femmes magiciennes, pour
ne pas dire sorcières, comme cette Fumnach, première épouse de Mider, ennemie
jurée de la belle Étaine, et plus tard, des femmes-guerrières initiatrices des
jeunes gens ou de redoutables prêtresses expertes à manipuler les sortilèges.
Mais ces femmes sont toujours des êtres à part entière. Toutes conscientes
qu’elles soient de leur puissance, elles n’oublient pas qu’elles peuvent aimer
à en mourir, indépendamment des circonstances qui ont présidé à leur passion
dévorante et absolue, indépendamment de l’issue fatale à laquelle les voue la
force des choses, c’est-à-dire la force d’un Destin inconnu mais immanent. Il
ne faut pas négliger que l’origine de la tragique histoire d’amour de Tristan
et Yseult, si célèbre dans le monde occidental et considérée comme le symbole
même de l’amour humain, est inscrite en toutes lettres dans l’épopée celtique
d’Irlande.
    Néanmoins, le propre de ces héroïnes féminines épiques est
de présenter de multiples aspects, de multiples visages, généralement trois, eu
égard au nombre symbolique sacré chez tous les Celtes et qui se manifeste
autant par la triade que par le triskell ,
la triple spirale qui, tournant autour d’un point central, symbolise par
excellence l’univers en expansion. Les héroïnes apparaissent donc sous
différentes formes, sous différents noms, à différentes époques, en
incarnations successives. Voici d’abord la triple Brigit, qu’on dit fille de Dagda (à moins qu’elle ne soit sa sœur), et qui
n’est autre que la Minerve gauloise dont parle César, déesse des techniques,
des sciences et des arts que les Chrétiens ont récupérée sous le vocable de
« sainte » Brigitte en lui attribuant la fondation du célèbre
monastère de Kildare, ancien haut lieu du culte druidique. Or cette Brigit est
aussi, sous le nom de Boann, la mère d’Œngus, le Mac Oc qu’elle a conçu et mis
au monde pendant l’espace temporel de la nuit de Samain ,
c’est-à-dire, symboliquement, durant l’abolition du temps, l’éternité. Elle
incarne la vie éternelle, et son nom, qui provient de Bo Vinda ,
« vache blanche », indique suffisamment ses liens avec une nourriture
inépuisable, le lait, élément indispensable à la vie des peuples autrefois
uniquement nomades et pasteurs, comme c’est le cas des Celtes. À partir de là,
le symbole joue pleinement, et Boann devient le fleuve Boyne (graphie moderne)
qui féconde de ses eaux douces une vallée verdoyante autour de laquelle se
dressent les grands tertres féeriques qui sont les domaines des dieux. Et si
Brigit porte un nom significatif (« puissante », « haute »,
« lumineuse »), Boann, en représentant la richesse, mesurée en têtes
de bétail chez les Celtes, constitue en quelque sorte l’âme d’une société
celtique incontestablement marquée par des tendances gynécocratiques.
    Troisième visage de Brigit-Boann, enfin, celui de Morrigane
(génitif de Morrigu ), fille d’Ernmas, l’un des
personnages les plus marquants des tribus de la déesse Dana. Elle est pourtant
bien difficile à saisir dans ses subtilités. À

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