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Les conquérants de l'île verte

Les conquérants de l'île verte

Titel: Les conquérants de l'île verte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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de
troupe armée de lances et de javelots sans qu’on y voie provocation. Il ne peut
y avoir d’étrangers sans que se soulève dispute entre les premiers habitants et
les survenants. Partez donc, enfants de Nemed, quittez cette île et
répandez-vous par le monde. – Mais où devons-nous aller, sage Fintan, fils de
Bochra ? Dis-le-nous afin que nous puissions nous mettre en route. – Vous
êtes assurément fort peu nombreux, répondit Fintan. Dans ce cas, partagez-vous
en trois troupes. Que l’une d’elles s’en aille vers le nord, que la deuxième
prenne la mer vers l’orient et que la troisième suive la voie contraire à la
course du soleil, mais vers le sud, du côté où il manifeste le plus de chaleur. »
    Ainsi parla Fintan le Sage, fils de Bochra, aux enfants de
Nemed, et ceux-ci lui firent leurs adieux. Mais, avant leur départ, il leur dit
encore : « Allez donc, ô Enfants de Nemed, quittez ce pays qui n’est
plus habitable pour vous. Fuyez cette île où ne vous attendent que l’oppression
et l’esclavage honteux. Ne restez pas plus longtemps ici, ne payez pas plus
longtemps le tribut que vous réclament les Fomoré. Mais je vous assure que vos
fils ou vos petits-fils reviendront dans ce pays que vous fuyez et qu’ils le
reprendront par la force ou par le droit. Car, quoi qu’il puisse arriver, vous
serez toujours les enfants de cette île et vous en serez toujours les
maîtres. »
    Ils se concertèrent sur la manière de procéder pour se
partager en trois troupes. Bethach, fils de Iarbonel le devin qui était fils de
Nemed, ne voulut pas quitter l’Irlande. Il y demeura donc un certain temps,
mais il mourut d’une maladie qui s’était abattue sur le pays. Cependant, ses
dix femmes lui survécurent vingt-trois ans. Quant à son fils Ibath, il quitta
l’île en compagnie de son propre fils Baath, et tous deux se dirigèrent vers
les îles du nord du monde. Et leurs descendants furent ceux qu’on appelle les
tribus de la déesse Dana.
    Fergus au côté rouge, qui était le plus jeune fils de Nemed,
prit la mer et s’en fut vers l’est avec son propre fils qui se nommait Britain
le Prince. Ils abordèrent dans la grande île qui est proche de l’Irlande et s’y
établirent. Leurs descendants, ceux qu’on appelle les Bretons, du nom de
Britain le Prince, eurent la domination de l’île jusqu’à l’arrivée de deux
chefs saxons qui occupèrent leurs terres, les repoussant sur les rivages et
obligeant nombre d’entre eux à s’exiler de l’autre côté de la mer dans la
péninsule qu’on appelle Armorique et à laquelle ils donnèrent depuis leur nom.
    Quant à Semeon, fils de Sdarn, fils de Nemed, il partit vers
le sud pour gagner les pays où le soleil est le plus chaud. Une tempête le
détourna, et il se retrouva dans la mer Tyrrhénienne. Là, une autre tempête
éclata, qui le ballotta à travers les îles jusqu’aux rivages de la Thrace. Ces
rivages étaient secs et stériles, envahis d’un sable sur lequel rien ne pouvait
pousser. Lui et ses compagnons s’y établirent néanmoins et s’y bâtirent des
demeures avec de la terre séchée. Alors, les gens du pays vinrent les trouver.
Refusant de se battre, ils entamèrent des discussions, firent la paix et
conclurent un traité. Au clan de Semeon furent attribuées des propriétés et des
terres sur le bord de la mer et sur les frontières lointaines, dans des régions
qui étaient très froides, sur des montagnes escarpées et des versants de
collines exposés aux vents du nord. Leur furent également attribués des ravins
profonds et des sommets inhabitables, dans des contrées rudes dont le sol n’avait
jamais connu de récoltes d’aucune sorte. Mais se disant qu’ils devaient
profiter des terres qu’on leur avait données, les gens du clan de Semeon
fabriquèrent de vastes sacs avec de la toile et des peaux de bêtes et
transportèrent une grande quantité de terre arable sur les rochers nus et
arides dont on leur accordait la possession. Ils travaillèrent avec tant
d’ardeur et tant d’intelligence qu’en peu de temps ils eurent fait de ces
régions stériles des plaines riantes et fleuries où poussaient le blé et la
vigne et où paissaient de nombreux troupeaux. Et ils ne regrettèrent pas
d’avoir quitté l’Irlande et de s’être ainsi soustraits au lourd tribut que leur
infligeaient les Fomoré.
    Cependant, quand les chefs et les guerriers de ce pays
virent l’œuvre des nouveaux venus, ils

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