Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Dames du Graal

Les Dames du Graal

Titel: Les Dames du Graal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
Vom Netzwerk:
seigneur, un roi ou même un riche propriétaire. Mais lorsque tout est accompli, le héros acquiert le pouvoir et il est reconnu comme le nouveau maître. Traduit en langage psychanalytique, l’épée suspendue au-dessus du lit n’est que l’image terrifiante du père qui empêche la fille et son amoureux de concrétiser pleinement leur union.
    Mais le récit n’est pas terminé. La nuit non plus. Malgré cette désagréable épreuve, et après un moment de calme, Gauvain s’échauffe et ne peut plus résister à son désir. Il joue le tout pour le tout et se prépare à pénétrer la fille. Le résultat ne se fait pas attendre. « L’épée surgit encore de son fourreau, tomba et vint le frapper d’un coup plat sur la nuque. Mais ce faisant, elle vacilla un peu et toucha l’épaule droite, lui cisaillant trois doigts de peau. Puis elle se ficha dans la couverture de soie avant de remonter et de reprendre sa place dans le fourreau » ( ibid. ). Cette fois, l’avertissement est plus sérieux, et Gauvain, quelque peu refroidi, abandonne la lutte.
    Le lendemain matin, l’hôte est bien étonné de retrouver Gauvain vivant, mais au lieu de s’en offusquer, il s’en réjouit. Puis il explique pourquoi il agissait ainsi. « Sache que si je vous ai mis à l’épreuve, toi et les chevaliers qui ont couché avant toi dans ce lit, c’était pour que le meilleur d’entre vous pût se manifester. C’est cette épée qui devait me le révéler, car je savais qu’elle l’épargnerait » ( ibid. ). Et le seigneur donne solennellement sa fille à Gauvain. « Plus jamais tu n’auras à redouter quelque chose de ma part. De plus, je te fais don à tout jamais de cette forteresse et de toutes les terres qui en dépendent » ( ibid. ). Ainsi donc, cet épisode se termine comme tous les contes de ce genre : l’amoureux de la fille devient le gendre d’un roi ou d’un seigneur parce qu’il a réussi les épreuves imposées pour que ses qualités fussent reconnues. Gauvain reçoit l’hommage des vassaux du seigneur et, la nuit suivante, « il n’y eut point d’épée dégainée hors de son fourreau. Gauvain put satisfaire tous ses désirs, et l’histoire raconte que la jeune fille ne s’en plaignit pas » ( ibid. ).
    Mais il ne s’agit pas seulement d’une histoire d’amour qui finit bien. D’ailleurs, elle finit mal, comme on va le voir. Gauvain a reçu l’hommage de ceux qui sont devenus ses vassaux, mais c’est un leurre : en réalité, ce sont les vassaux de la jeune femme, et c’est celle-ci qui détient le pouvoir excessif. Gauvain n’est que l’exécutant de la souveraineté incarnée par la femme, tout comme l’était en réalité le père. Et Gauvain va s’apercevoir à son grand dépit que la femme qu’il croit être sienne est toujours libre et indépendante, et qu’elle peut disposer de son pouvoir à sa guise.
    Gauvain passe donc plusieurs semaines dans cette forteresse, coulant des jours heureux auprès de la jeune femme qu’il a conquise – du moins le croit-il – en réussissant l’épreuve que lui avait imposée le père, mais qui devait en réalité découler de la volonté de la fille . Il décide alors d’aller à la cour du roi Arthur et d’y emmener la jeune femme. Les voilà partis, avec une petite meute de lévriers dont la jeune femme ne veut pas se séparer. Or, ils sont à peine engagés dans la forêt que surgit un chevalier, qui saisit par la bride le cheval de la jeune femme et l’entraîne avec lui. Gauvain les poursuit et veut combattre le chevalier, mais celui-ci fait comprendre qu’il est simplement venu réclamer ce qui lui appartient, à savoir la jeune femme qui a été sienne auparavant. Et le chevalier propose à Gauvain une solution : laisser la femme à un carrefour et partir tous deux dans deux directions différentes : « Elle décidera alors elle-même lequel d’entre nous elle préfère. Si elle veut partir avec toi, je te la laisserai, je t’en donne ma parole. Mais si elle décide de venir avec moi, il est juste que tu reconnaisses qu’elle est mienne. »
    Ainsi est fait : les deux chevaliers partent chacun de leur côté. « La jeune femme les regarda tous les deux et se mit à réfléchir, ce qui étonna grandement Gauvain. Elle savait bien quelle était la prouesse de Gauvain, notamment lorsqu’il était au lit, mais elle voulait savoir si l’autre chevalier était aussi preux et aussi vaillant » (trad. J. Markale). Et

Weitere Kostenlose Bücher