Les Dieux S'amusent
l’attention
des sentinelles troyennes. Pour toute arme, ils emportent chacun un poignard. Ils
se mettent en route, vers minuit, en direction des remparts de Troie. À
mi-chemin, alors qu’ils traversent un petit bois, il leur semble entendre des
pas, venant à leur rencontre. Ils s’embusquent et voient passer deux soldats
troyens, vêtus à peu près comme eux, qui se dirigent vers le camp grec. Par-derrière,
Ulysse et Diomède bondissent sur eux, les immobilisent en leur mettant leur
poignard sous la gorge.
— Ne bougez pas et répondez à nos questions, leur
ordonne Ulysse, ou nous vous tranchons la gorge. Qu’allez-vous faire vers le
camp grec ?
— C’est Hector qui nous envoie, pour espionner les
Grecs.
— Où est Hector ?
— Il délibère, avec les autres chefs troyens, dans le
temple de Minerve.
— Et où se trouve le temple de Minerve ? demande
Ulysse, qui n’est jamais allé à Troie.
— C’est très simple, si vous entrez dans Troie par la
porte d’Apollon, vous prenez l’avenue d’Apollon en face, et le temple de
Minerve est dans la deuxième rue sur votre gauche. Vous ne pouvez pas vous
tromper.
— Quel est le mot de passe qui nous permettra de franchir
les postes de garde ? demande encore Ulysse,
— Le mot de passe, ce soir, est : « La belle
Hélène aime le gai Pâris. »
Satisfait de ces renseignements, Ulysse se dispose à ligoter
les deux Troyens, à qui il avait promis, la vie sauve s’ils parlaient. Mais le
brutal Diomède, partisan des méthodes expéditives, ne lui en laisse pas le
temps ; du tranchant de son poignard il égorge le premier et, du tranchant
de sa main, il brise la nuque du second. Les deux rois grecs se remettent en
route, parviennent à la porte d’Apollon, qu’ils franchissent sans encombre en
criant le mot de passe et en se faisant passer pour les deux soldats troyens qu’ils
viennent d’expédier dans l’autre monde.
Une fois dans la ville, cependant, les difficultés d’orientation
commencent. Ulysse croit se souvenir qu’il faut prendre l’avenue d’Apollon, alors
que Diomède affirme que les soldats troyens ont parlé de l’avenue de Neptune. De
toute manière, le nom des avenues n’est pas marqué ou, si par hasard il l’est, c’est
à une hauteur telle qu’on ne peut pas le lire. Une demi-heure après être entrés
dans Troie, Ulysse et Diomède ont perdu tout espoir de jamais trouver le temple
de Minerve ainsi que le chemin de la sortie. C’est alors qu’au détour d’une rue
ils aperçoivent, à quelques pas devant eux, une passante, la première depuis
leur arrivée. Ulysse presse le pas pour la rattraper et arrive à sa hauteur. Sachant
par expérience que les gens à qui l’on demande son chemin s’avèrent presque
toujours être des touristes étrangers qui ne connaissent pas la ville, il
commence par lui demander poliment :
— Pardon, madame, est-ce que vous êtes d’ici ?
— Non, répond naturellement la passante en tournant la
tête vers Ulysse ; et ils poussent alors ensemble une exclamation de
surprise :
— Hélène ! s’écrie Ulysse.
— Ulysse ! s’écrie Hélène.
Dans l’esprit d’Ulysse, l’inquiétude succède immédiatement à
la surprise : Hélène, qui l’a reconnu, ne va-t-elle pas dénoncer sa
présence aux Troyens ? Mais il a tort de s’inquiéter. Hélène est une bonne
fille ; en outre, elle a toujours eu un faible pour Ulysse. Elle l’embrasse
affectueusement et lui demande ce qu’il fait, en pleine nuit, dans les rues de
Troie. Pour une fois, Ulysse, pris au dépourvu, n’a pas le temps d’inventer un
mensonge :
— J’espionne, répond-il simplement, en compagnie de
Diomède que voici.
Hélène embrasse aussi Diomède et demande aux deux héros des
nouvelles de Ménélas et des autres rois grecs.
— Ils vont tous bien, lui répond Ulysse, mais nous n’avons
guère le temps de bavarder, Pourrais-tu nous indiquer où se trouve le temple de
Minerve ?
Hélène, tout « en n’étant pas d’ici », connaît
bien cette ville qu’elle habite depuis près de dix ans ; elle conduit
elle-même Ulysse et Diomède jusqu’à la porte du temple et prend congé d’eux en
leur recommandant de né pas commettre d’imprudences.
Au moment où, discrètement, Ulysse et Diomède pénètrent dans
le temple, ils entendent Hector tirer les conclusions de la réunion qu’il vient
d’avoir avec ses compagnons :
— Mes amis, dit Hector, nous
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