Les Dieux S'amusent
avons tout lieu d’être
optimistes. Privés d’Achille et de ses guerriers myrmidons, les Grecs ne
peuvent nous vaincre. En outre, alors que nous pouvons tous les soirs nous
replier derrière nos remparts et nous reposer en toute sécurité, le camp des
Grecs n’est protégé par aucune défense. Nos ennemis ne peuvent donc dormir que
d’un œil, dans la crainte d’une attaque nocturne, et ne tarderont pas à être
épuisés. Ils seront alors à notre merci.
Sur ces mots, la réunion se disperse, les chefs troyens vont
se coucher, et un silence profond tombe bientôt sur la ville endormie. Ulysse
et Diomède sont restés seuls dans le temple. En face d’eux, éclairée par
cinquante bougies, brille une superbe statue en bois poli de Minerve, appelée « le
Palladion ». Les Troyens lui vouaient un culte particulier et croyaient qu’elle
protégeait leur ville.
— Emportons la statue, dit Ulysse, et laissons un petit
souvenir de notre passage.
Ils descendent la statue de son socle et, avec la cire d’une
bougie, Ulysse écrit ces mots sur le socle de marbre : Avec les
salutations d’Ulysse.
Mais, une fois sortis du temple, ils se rendent compte que
la statue est lourde et qu’ils ne pourront pas à eux seuls la transporter jusqu’au
camp grec.
— Allons voler les chevaux de Rhésus, suggère alors
Ulysse.
Rhésus était un chef troyen, célèbre à cause des six chevaux
blancs qu’il possédait, les plus beaux de toute l’armée troyenne. En se rendant
au temple de Minerve, Ulysse et Diomède étaient passés devant le palais de
Rhésus. Ils y retournent, pénètrent silencieusement dans les écuries où les six
chevaux sont endormis. Pour les empêcher de hennir, Ulysse leur donne à chacun
un picotin d’avoine, dans une musette qu’il attache à leur cou. Et, pour que le
bruit de leurs pas n’éveille pas les gardes du palais, il enveloppe de paille
les sabots de deux d’entre eux, qu’il attelle à un char.
Sortis du palais, Ulysse et Diomède montent dans le char, y
dissimulent la statue de Minerve sous une couverture et ressortent sans
difficulté de Troie, en répétant le mot de passe aux sentinelles. Puis ils
retournent au galop à leur camp, où les autres rois grecs les attendaient
anxieusement.
En les voyant revenir avec deux des fameux chevaux de Rhésus
et avec le non moins fameux Palladion, Nestor s’écrie, admiratif :
— Vous êtes des dieux !
— De tristes dieux, répond Ulysse, morts de faim et de
fatigue.
On leur prépare un bain tiède, parfumé de sels odorants ;
on leur sert un gigot d’agneau rôti, arrosé de vin de Macédoine ; et les
deux héros, se retirant dans leurs baraques, ne tardent pas à trouver, dans un
sommeil profond, l’oubli et le repos.
Le lendemain, cependant, Ulysse se lève de bonne heure. Aux
rois grecs assemblés, il rend compte des propos tenus par Hector.
— Nous devons, conclut-il, nous protéger contre une
attaque surprise des Troyens en entourant notre camp d’un fossé profond et d’une
palissade.
Sa suggestion, soutenue par Nestor, est adoptée par l’assemblée.
Aussitôt, toute l’armée grecque se met au travail et, lorsque se termine la
journée, le camp grec est protégé par un fossé de trois mètres de large et de
deux mètres de profondeur, en deçà duquel s’élève une palissade de bois de plus
de deux mètres de haut. Une dizaine de portes solides et de ponts de bois
permettent de franchir la palissade et le fossé. Pendant toute la journée, les
Troyens ont été si occupés à essayer de comprendre comment Ulysse et Diomède
avaient pu voler le Palladion et les chevaux de Rhésus qu’ils n’ont pas songé à
empêcher les Grecs de mener à bien leurs travaux.
27. L’armée grecque au bord du désastre
Lorsque Hector se rend compte que, profitant de sa négligence, les Grecs se sont protégés par
un fossé et une palissade, il est saisi de découragement. II va trouver son
père Priam et lui suggère de proposer aux Grecs une transaction :
— Nous leur rendons le trésor de Ménélas, ils nous
laissent Hélène et on n’en parle plus.
Priam approuve cette idée et envoie un ambassadeur à
Agamemnon pour lui en faire part. Agamemnon convoque aussitôt une réunion des
rois grecs et les consulte. Bien entendu, Ménélas s’oppose avec indignation à
cet arrangement : il est venu pour reprendre sa femme, plus encore que son
trésor. Mais certains chefs grecs sont prêts à se
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