Les Dieux S'amusent
tour la parole :
— Je vais te parler franchement, dit-il à Agamemnon. Si
nous nous trouvons dans une situation périlleuse, c’est à toi qu’il faut t’en
prendre. En provoquant la colère d’Achille et sa défection, c’est toi qui nous
as privés de notre plus solide appui. Mais il est peut-être temps encore de
réparer tes torts envers Achille et de le persuader de revenir combattre à nos
côtés.
Agamemnon baisse la tête.
— C’est bon, dit-il, je suis prêt à restituer à Achille
la jolie Briseis, et même, pour le dédommager, à lui offrir sept autres jeunes
captives, des chevaux et une part du butin auquel j’aurai droit si nous nous
emparons de Troie.
— C’est là une proposition généreuse, dit Nestor, et je
pense qu’Achille devrait y être sensible. Envoyons-lui deux d’entre nous en
ambassadeurs, pour la lui transmettre.
Ce sont Ulysse et Ajax qui sont désignés pour cette mission,
car on sait qu’Achille a beaucoup d’amitié pour le premier et que le second est
son cousin germain. Ils se dirigent vers les quartiers d’Achille, à l’autre
bout du camp grec, et trouvent le héros assis devant sa baraque, en train de
jouer de la lyre, en compagnie de Patrocle, son ami intime. Achille les
accueille avec cordialité et les invite à partager le repas qu’il s’apprêtait à
prendre. Pendant le dîner, on parle de choses et d’autres, puis, au dessert, Ulysse
expose l’objet de sa visite, avec son éloquence habituelle. Il commence par
flatter l’amour-propre d’Achille en lui disant que sans lui l’armée grecque est
incapable de remporter la victoire. Puis il met en relief l’importance des
réparations offertes par Agamemnon. Enfin, il fait appel à la piété filiale d’Achille
en lui rappelant les recommandations que lui a faites son père, Pelée, lorsque
Achille s’est embarqué pour Troie :
— Souviens-toi, Achille, des dernières paroles que t’a
adressées ton père. Il t’a dit : « Sois courageux, mais maîtrise tes
passions et domine ton humeur altière. »
Achille l’a écouté en silence. Il est flatté de voir que les
Grecs ont tant besoin de lui, et savoure en secret l’humiliation qu’il a
infligée à Agamemnon. Il n’est pas insensible non plus à la perspective de
récupérer Briseis et de recevoir, en guise de dommages-intérêts, de belles
esclaves, des chevaux et une part supplémentaire de butin. Mais sa rancune et
son entêtement sont plus forts que tout. Après quelques instants de réflexion, il
sourit dédaigneusement et répond à Ulysse :
— Tes paroles sont éloquentes, mais elles ne sauraient
me fléchir. Cette guerre n’est plus la mienne. J’étais venu ici par amitié pour
Ménélas, à qui les Troyens avaient volé sa femme. Mais ce ne sont pas les
Troyens qui ont volé la mienne, c’est Agamemnon. Pourquoi risquerais-je ma vie
pour combattre Hector qui ne m’a rien fait, et pour défendre Agamemnon qui m’a
offensé ? Tu auras beau dire, ma résolution est prise : dès demain, je
m’embarquerai pour la Grèce avec mes troupes. Retourne dire à Agamemnon qu’il
peut garder Briseis, ses chevaux, ses esclaves et son or, et qu’Achille n’est
pas à vendre.
Patrocle a beau plaider en faveur de la proposition d’Ulysse,
Ajax a beau reprocher rudement à Achille son entêtement, rien n’y fait : le
roi des Myrmidons reste inflexible.
Ulysse et Ajax prennent alors congé d’Achille et retournent
chez Agamemnon. À leurs mines déconfites, les autres rois grecs devinent l’échec
de leur mission. Une fois de plus, c’est Diomède qui ranime leur courage :
— Qu’Achille parte ou qu’Achille reste, c’est son
affaire. Nous nous passerons de lui. Allons nous reposer pour le combat de
demain.
Les Grecs suivent son conseil, mais ce n’est pas sans mal
que, cette nuit-là, ils trouveront le sommeil.
Ils sont réveillés, à l’aube, par les trompettes des Troyens
qui sonnent la charge. En hâte, l’armée grecque se porte à leur rencontre, dans
la plaine qui sépare les remparts de Troie du camp grec.
Très vite, l’armée troyenne prend l’avantage. Hector, ayant
Pâris à ses côtés, fait des ravages dans les rangs grecs. Il commence par
blesser Agamemnon d’un coup de javelot au bras. Diomède, qui s’efforce de
protéger Agamemnon, est atteint à son tour d’une flèche tirée par Pâris, qui se
fiche dans son pied et le cloue au sol. Ulysse vole à son secours et parvient
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