Les dîners de Calpurnia

mathématiques, et Rabirius utilisait avec profit ses compétences.
    Un probléme s'était posé à l'architecte impérial lorsqu'il b‚tissait l'Aula Regia que son maître voulait grandiose avec une salle d'audience comme on n'en avait jamais vu, même chez les satrapes les plus fastueux. César voulait recevoir l'hommage de ses sujets et des délégations étrangéres sans que rien vienne s'opposer à la vue de l'Empereur installé sur son trône au fond de l'immense salon de réception. Rabirius avait pensé à une vertigineuse vo˚te en berceau mais ses calculs, trop incertains, lui interdisaient de tenter une expérience qui risquait de se transformer en catastrophe.
    - As-tu une idée ? avait-il demandé à Julius. Reprends tout le projet et donne-moi ton avis.
    Le jeune homme, trop heureux, avait évidemment accepté :
    - D'accord, je vais étudier tes plans, recalculer la résistance des matériaux et la solidité des murs de souténement. Je ne suis pas s˚r de réussir mais je vais essayer. Cela me réjouirait tant de prendre part à
    cette construction fabuleuse.
    Une semaine plus tard, Julius avait rendu à Rabirius le 246
    projet complet d'une vo˚te qui couvrait l'édifice sans le secours de piliers ou de colonnes.
    - Je suis s˚r de moi, la vo˚te tiendra si on lui assure des bases suffisamment solides.
    Rabirius était reconnaissant à Julius de son aide efficace et lui avait promis, pour le remercier, de lui faire confier un ouvrage officiel important. C'est ce qui se produisit bientôt avec le grand pont sur le Danube, projet stratégique d'envergure dont Rabirius avait dessiné les plans mais qu'il n'avait ni le temps ni le désir d'aller construire.
    L'Empereur était pressé et le départ de Lacer pour Acquincum, aux confins des Carpates, fut aussitôt organisé par le cursus publici, l'organisme chargé des déplacements officiels.
    L'annonce de ce départ précipité, qui n'avait pourtant rien d'extraordinaire, bouleversa étrangement le Vélabre. Alors que Calpurm'a se montrait plutôt contente de voir s'éloigner cet hôte un peu encombrant, Terentia fut prise de violentes crises de larmes, puis, muette, se retira dans sa chambre et refusa toute nourriture.
    - que se passe-t-il avec notre grande fille ? demanda le lendemain Rabirius à Calpurnia, inquiéte elle aussi.
    - Je crois que nous ne l'avons pas assez surveillée et qu'elle s'est amourachée de ton Espagnol dont la présence insistante au Vélabre semble avoir des conséquences f‚cheuses.
    - " Mon " Espagnol... D vient parce que nous l'invitons !
    - Es-tu bien s˚r que ce n'est pas Terentia qui l'invite ? Moi je ne l'ai jamais prié de venir. Je vais essayer de la faire parler. De ton côté, vois Lacer et demande-lui comment il explique l'attitude de Terentia. Il faut régler ce petit drame au plus tôt !
    Calpurnia trouva sa fille allongée sur son lit, amaigrie, la mine défaite et le regard vague.
    - que t'arrive-t-il, ma chérie ? demanda-t-elle en ^'asseyant sur le lit et en la prenant dans ses bras.
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    Raconte-moi ton chagrin, les méres sont faites pour cela... Tu te tais mais je crois deviner l'origine de ton désarroi. Eh bien, dis-toi qu'à ton ‚ge toutes les filles traversent une crise qui les rend malheureuses. Mais au-dessous de vingt ans les chagrins d'amour guérissent vite. Moi-même...
    - Ce n'est pas un simple chagrin d'amour, maman. Le départ subit de Julius brise ma vie et déshonore la famille.
    - Comme tu y vas ! Je ne vois pas en quoi le départ du protégé de Rabirius peut changer quelque chose à notre vie.
    - C'est que j'aime Julius. Il répond à mon amour et nous nous sommes beaucoup vus à votre insu.
    - Et alors ? Il reviendra ! Si vous vous aimez toujours, nous verrons ce que nous devons faire.
    - quand reviendra-t-il, maman ? Lorsque j'aurai mis au monde notre enfant en me cachant ? s'exclama Teren-tia en sanglotant.
    Calpurnia, pétrifiée, ferma les yeux. Les pensées se bousculaient dans sa tête. " Mon enfant est enceinte ! Cela s'est passé sous mon toit et je ne me suis aperçue de rien. que faut-il faire ? que dois-je dire à une petite fille désespérée ? L'accabler de reproches n'avancerait à rien. La punir ?
    Comment punit-on sa fille qui porte un bébé ? "
    Alors, la mére inquiéte redevint Calpurnia et elle retrouva cet esprit de décision que les hommes lui enviaient souvent. Elle songea à Jésus qui allait les soutenir toutes les deux et dit :
    - Terentia, ma chérie, la