Les dîners de Calpurnia
huit heures devant la maison du Vélabre. Toute la famille et Juvénal se tenaient dans l'atrium o˘ ils venaient de prendre un frugal jentaculum composé de pain, de fromage et d'eau claire. Tous avaient mal dormi. Calpurnia et Terentia s'étaient un peu fardées pour cacher leurs traits tirés, les hommes ne s'étaient pas rasés.
- Bonjour, mes amis, dit Pline. Pour la premiére fois je n'entre pas joyeux dans cette maison puisque, Juvénal vous l'a dit, je n'apporte pas de bonnes nouvelles.
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- Sait-on par qui nous avons été dénoncés ? demanda Calpurnia.
- Non, et c'est votre chance, car Trajan recommande aux tribunaux de ne pas prendre en compte les accusations anonymes. Hélas ! cela ne veut pas dire qu'elles demeurent lettre morte. Elles attirent l'attention sur les personnages désignés, surtout lorsqu'il s'agit de notables connus de tous.
Donc, pour être clair, la dénonciation ne vous conduira probablement pas au tribunal mais va entraîner des mesures que je ne saurais trop vous conseiller de respecter.
- Pour ma part, je me refuse à renier ma croyance ! s'écria Terentia. Des chrétiens ont subi le martyre avant moi, c'est sans regrets que j'irai les rejoindre auprés du Seigneur.
- Alors, attends-toi au pire, dit Pline. Mais je compte bien m'arranger pour que l'on ne te demande rien. En accord avec le préfet du prétoire qui est au courant de tout et que j'ai longuement consulté hier soir, je te propose une solution qui ne devrait pas vous déplaire. Il faut laisser les choses s'apaiser, et surtout éviter que l'affaire ne s'ébruite.
- que devons-nous faire ? questionna Calpurnia, un peu réconfortée par les paroles de Pline.
- Il faut disparaître, éviter le marché, les thermes. Et naturellement les rassemblements de chrétiens. Pour cela, je ne vois qu'un moyen : aller vous installer chez moi dans les Laurentes. Vous connaissez la maison, vous y serez bien et vous vous laisserez oublier.
- Merci, dit Rabirius, les larmes aux yeux.
- Jésus nous sauve, dit Terentia. Je vais le remercier par des priéres.
- C'est surtout Pline qui vous sauve ! remarqua Juvénal. Mais si tu veux prier, fais-le dans ta chambre plutôt qu'aux catacombes !
Fille énergique, mére courageuse, femme armée contre les vicissitudes de la vie, Calpurnia ne parvenait pas cette fois à vaincre son désarroi devant un si prompt
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- Tu penses à la maison, à la famille, à la réputation de Rabirius ?
- Oui. Tu sais qu'à Rome il n'existe pas de situation stable. Nous en avons vu des sénateurs puissants, des préfets irremplaçables, des chevaliers influents, des courtisans écoutés, des conseillers importants se retrouver subitement nus ! Les empereurs, eux-mêmes, ont quelquefois valsé comme des sans-grade. Le poison et le poignard faisaient la loi il n'y a encore pas si longtemps sur les marches du pouvoir...
- Et la maison du Vélabre a été jusqu'ici une exception ! C'est ce que tu allais dire, n'est-ce pas ?
- Oui, sa notoriété, son influence, les talents qu'elle a abrités l'ont fait survivre à toutes les crises, à toutes les jalousies, à tous les arbitraires. La famille de Sevurus a traversé le temps, c'est un miracle, dans l'orbite impériale !
- Et tu crois que mes affinités chrétiennes vont sonner la fin de cette vie privilégiée ?
- Je n'en sais rien. Attendons demain. Pline nous apportera des nouvelles.
- Crois-tu que l'on va nous arrêter, comme de vulgaires criminels ?
- J'espére bien que non ! Maintenant, va retrouver ton b‚tisseur. Je suis s˚r, c'est un comble, que c'est toi qui devras le réconforter !
Pline, ami fidéle et homme pressé, descendit de sa litiére à huit heures devant la maison du Vélabre. Toute la famille et Juvénal se tenaient dans l'atrium o˘ ils venaient de prendre un frugal jentaculum composé de pain, de fromage et d'eau claire. Tous avaient mal dormi. Calpurnia et Terentia s'étaient un peu fardées pour cacher leurs traits tirés, les hommes ne s'étaient pas rasés.
- Bonjour, mes amis, dit Pline. Pour la premiére fois je n'entre pas joyeux dans cette maison puisque, Juvénal vous l'a dit, je n'apporte pas de bonnes nouvelles.
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- Sait-on par qui nous avons été dénoncés ? demanda Calpurnia.
- Non, et c'est votre chance, car Trajan recommande aux tribunaux de ne pas prendre en compte les accusations anonymes. Hélas ! cela ne veut pas dire qu'elles demeurent lettre morte. Elles attirent l'attention sur les personnages
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