Les dîners de Calpurnia
que les vipéres du 'oram n'avaient pu, faute d'informations, distiller leur venin sur la famille du Vélabre.
- Combien de temps devrons-nous vivre chez toi ? demanda Calpurnia. Ta maison est merveilleuse, nous nous y plaisons beaucoup mais la nôtre nous manque.
- Vous resterez ici le temps qu'il faudra ! Mais je ferai tout pour l'écourter.
Le soir, Pline offrit à Calpurnia de faire une promenade dans le parc :
- J'ai à te parler de Rabirius.
- Il est malade ?
- Non, sa santé est bonne mais il existe un probléme délicat que nous devons régler.
Ils s'assirent sur un banc de porphyre installé face à la mer. Il faisait beau et chaud, l'eau miroitait sous la lune. Aprés quelques allusions poétiques commandées par le spectacle, Pline, un peu embarrassé, commença :
- L'Empereur a eu vent de votre histoire. Il m'a convoqué hier aprés le conseil et m'a tenu un long discours sur les chrétiens. Il m'a rappelé que Domitien, tout à la fin de son régne, avait fait cesser les persécutions contre l'Eglise. Il était lui-même prêt à continuer dans ce sens mais, m'at-il dit, ce sont les chrétiens eux-mêmes qui par 1 eur prosélytisme de plus en plus actif et agressif obligent
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César à défendre les fondements de l'Empire et à rappeler que la prescription édictée depuis Néron contre les adorateurs du Christ subsiste.
" Ainsi, a-t-il ajouté, est-il loisible aux magistrats investis du droit de glaive de condamner un chrétien à cause de sa religion, comme aussi de laisser les fidéles vivre sans être inquiétés. "
- Le fameux glaive demeure donc suspendu sur tous mais ne s'abat que sur quelques-uns, désignés à la sévérité des magistrats par des circonstances spéciales. Par exemple une pression populaire ou le prestige personnel des croyants ?
- Oui, chére Calpurnia, c'est à peu prés cela.
- Sommes-nous donc si importantes ? Deux femmes d'artistes qui n'ont jamais brigué d'autre honneur que de servir Rome par leur talent !
- Tu sais bien que l'úuvre de Sevurus, de Celer et de Rabirius pése plus lourd dans la grandeur impériale que la vanité de quelque chevalier ou le pouvoir factice d'un sénateur. que répondre à César lorsqu'il dit que les monuments qui doivent perpétuer sa gloire ne peuvent être l'úuvre d'un chrétien ?
- Il t'a dit cela ? Mais Rabirius n'est pas chrétien.
- Sa femme et sa belle-fille le sont et, je le regrette, ne s'en cachent pas. Si tu étais l'épouse d'un petit fonctionnaire ou d'un copiste, personne n'aurait fait attention à toi.
- Ma croyance ne va tout de même pas porter préjudice à Rabirius ? Il m'a dit avoir remarqué que son crédit semblait diminuer au palais. Je l'ai rassuré mais...
- Cela me navre de te l'apprendre : Rabirius n'est plus l'architecte de l'Empereur. Ce n'est pas lui qui aura la commande du forum, ni celle des grands travaux à venir. Apollodore de Damas vient d'être désigné à sa place.
- Mais c'est impossible ! Rabirius a déjà beaucoup travaillé sur les plans du forum. On ne peut pas lui faire un tel affront !
- César peut tout faire, tu le sais bien. Même me permettre de te sauver !
- Jamais Rabirius ne me pardonnera ce que je lui ai fait!
- Je vais être franc. Même sans ta passion pour Jésus, Rabirius aurait été
évincé. Il n'a jamais plu à Trajan, lequel veut, comme chaque César qui rêve de constructions grandioses, choisir et engager son propre architecte.
Rabirius est trop marqué par ce qu'il a fait au service des prédécesseurs.
Pour l'Histoire, c'est Apollodore qui sera l'architecte de Trajan !
- quelle cruauté, quel mépris pour le génie ! Rabirius \ a souffrir de cette révocation. Je ne sais même pas s'il la supportera !
- Crois-tu qu'il souffrirait moins dans son orgueil si ton appartenance à
la religion chrétienne apparaissait comme la cause de sa disgr‚ce ?
- Sans doute. Il s'estimerait sacrifié mais son honneur professionnel serait intact. Hélas, si je te comprends bien, ce n'est pas le cas.
- Rien n'empêche de le lui faire croire. Si tu acceptes a endosser la responsabilité de sa défaveur, je m'arrangerai pour l'aider à sauver la face. Mais ce pieux mensonge doit rester secret. Ne mets même pas Terentia dans a confidence.
- Merci, Pline. Ton amitié nous sauve. Je n'oublierai amais ce que tu fais pour nous.
- Et j'ai du mérite car je ne me sens pas du tout concerné par votre engouement pour une religion illégale !
- Tu me permets
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