Les dîners de Calpurnia
restent à vivre. Je l'aime bien, Pomone, parce qu'elle sait que le bonheur renaît avec les saisons et qu'elle profite sagement de ses dons de nymphe.
- J'héberge en ce moment Petronius qui rêve de te rencontrer. C'est un jeune sculpteur qui connaît le marbre aussi bien que moi et en fait de belles choses. Le vieil Assandre lui a appris à tenir un ciseau mais, en fait, il a appris seul, avec l'aplomb de la jeunesse, à faire vivre la pierre. Il pense aujourd'hui que les conseils que tu voudras bien lui donner le feront avancer dans son art.
- L'art ? C'est un mot que je ne prononce plus. J'ai cru longtemps que j'approcherais le génie des Grecs, que mes úuvres resplendiraient de la gr
‚ce, de l'équilibre, de l'ineffable quiétude qu'ils savaient donner à leurs sculptures. quand, pour vivre décemment, j'ai d˚ me résoudre à peupler les jardins, je me suis fait une raison. C'est finalement un métier magnifique qui me donne de grandes joies. Beaucoup plus qu'en recopiant la tête officielle de l'Empereur pour les sénateurs qui tiennent à faire acte d'allégeance jusque dans leur péristyle !
- Mais elles sont superbes, tes statues ! dit Petronius. Me permets-tu de te regarder travailler ?
- Viens me tenir compagnie quand tu le voudras. Les maîtres de l'Olympe aiment la jeunesse !
- Veux-tu aussi venir un jour voir ce qu'il fait ? Ma chére femme prépare toujours d'aussi bons poissons ! Tu pourras en même temps choisir quelques blocs de marbres.
- Je viendrai, bien s˚r. On ne refuse pas une invitation de la femme de Polimus !
Petronius avait trouvé en Atticus le maître qu'il avait toujours souhaité, le guide qui lui donnerait les clés du métier et lui permettrait de gagner des années dans son apprentissage.
- Je suis en retard, lui dit un jour le faiseur de dieux. Veux-tu m'aider en dégrossissant ce bas-relief ? Mon client, qui est aussi un vieil ami, m'a commandé un
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Mithra sacrifiant un taureau. Tu en as peut-être entendu parler : c'est le grand Pline qui m'a fait annoncer qu'il rentrait à Rome et qu'il souhaiterait entrer en possession de sa sculpture.
Petronius éclata de rire :
- Pline ? Si j'ai entendu parler de Pline ? C'est un grand ami de ma famille. C'est mon bienfaiteur.
- Raison de plus pour te surpasser ! Tiens, voilà le dessin. Débrouille-toi mais n'hésite pas à me demander conseil. Tu vois, je serais fier et heureux de te lier de connivence avec les dieux. Ils sont d'un commerce plus agréable que les nobles de toute sorte qui commandent leur buste au sculpteur comme un saucisson à leur charcutier gaulois. Si tu les traites avec respect ils te seront fidéles et ne te laisseront jamais mourir de faim ! Ainsi tu connais Pline ! quelle coÔncidence. J'ai h‚te de voir sa tête quand il te découvrira en train de sculpter son Mithra ! Car je suis s˚r que lorsqu'il viendra dans sa maison des Laurentes, c'est prés d'ici, sa premiére visite sera pour moi.
Petronius, depuis sa collaboration à la colonne Tra-jane, se sentait plus à
l'aise dans le bas-relief que dans la statuaire. Il se tira trés bien de sa t‚che. Il en était au polissage du Mithra quand Pline fit prévenir qu'il passerait dans l'aprés-midi chez Atticus.
Cette apparition inattendue faisait, certes, plaisir au jeune homme mais elle le perturbait. Il avait réussi à rompre avec Rome, n'échangeait que de rares lettres avec Calpurnia et trouvait dans le travail, sinon l'oubli, du moins une certaine tranquillité d'esprit. Le retour de Pline dans sa vie n'allait-il pas bouleverser cet équilibre précaire ? Il allait, c'était s˚r, lui poser des questions, lui demander pourquoi il s'était réfugié chez Polimus. Peut-être avait-il vu Calpurnia à Rome et il n'était pas impossible qu'elle lui e˚t parlé. Pline connaissait assurément le sénateur Milvius Aurelius et sans doute son gendre, le mari de Rufa. Tout le passé
douloureux risquait de resur-
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gir. Comment allait-il supporter cette nouvelle épreuve ? Au fait, résisterait-il lui-même à questionner Pline sur le chevalier ?
Les choses se passérent plus simplement Pline avait en effet rencontré
Calpurnia et il apportait à Petronius une longue lettre de sa grand-mére.
Celle-ci avait h‚te de le voir rentrer mais ne faisait aucune allusion à
Rufa.
Le légat s'attendait donc à le rencontrer à Ostie. Il fut simplement surpris de le voir travailler à son bas-relief.
- Sans Petronius, ton Mithra serait à peine
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