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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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semaines
qui nous séparaient de décembre paraissaient un long temps à attendre. Shlomo
était du même avis et m'avait dit qu'il parlerait à Dyzia pour organiser un
rendez-vous téléphonique, à un moment où il serait à ses côtés à l'hôpital pour
pouvoir assurer la traduction. Quelques jours plus tard, il m'avait envoyé un
e-mail pour me prévenir que tout était prêt, qu'il serait aux côtés de Dyzia à
quatre heures et demie, heure de Tel-Aviv, dans l'après-midi du dimanche
suivant, et que ce serait le moment idéal pour appeler Dyzia Lew et lui parler.
    Dimanche, le 9 ? avais-je demandé.
    Oui, avait-il répondu, dimanche, le 9.
    Il se trouvait que le dimanche 9 novembre de cette année-là
allait être une journée très remplie pour moi, une journée riche en émotions
d'ordre familial et riche aussi en pensées du passé puisque c'était le jour que
mes frères, ma sœur et moi avions choisi pour la grande célébration des noces
d'or de nos parents, leur cinquantième anniversaire de mariage. C'était une date
d'une signification à la fois locale et réduite pour une famille de sept
personnes, à moins de prendre en considération le fait que le 9 novembre marque
un autre anniversaire, non pas d'or mais de cristal, un anniversaire qui, je le
suppose, a une signification également importante, même si elle est quelque peu
oblique, pour ma famille, dans la mesure où en 2003 le 9 novembre était le
soixante-cinquième anniversaire de la Kristallnacht. Au cours de cette
nuit de 1938 a commencé un immense pogrom à l'échelle nationale, aussi bien en
Allemagne qu'en Autriche, organisé par le parti nazi : deux journées de terreur
pendant lesquelles des bandes de nazis, jeunes et adultes, ont envahi les rues
des quartiers juifs, pillant les magasins et les maisons des Juifs, frappant et
assassinant parfois les Juifs, et brisant, bien sûr, les vitrines
d'innombrables magasins et maisons. Je dis « bien sûr » parce que
c'est aux milliards d'éclats des millions de vitres brises que le terme Kristallnacht, « Nuit de cristal » – expression forgéeau cours
d'une réunion du haut commandement nazi, quelques jours après l'événement,
durant laquelle Hitler avait exigé « que la question juive fût désormais,
une fois pour toutes, coordonnée et résolue d'une façon ou d'une
autre » –, doit son clinquant grotesque. Même si les dommages
provoqués par la Nuit de cristal ont été énormes (bien que, au regard des
chiffres ultérieurs, les pertes en vies humaines aient été négligeables)
– une centaine de Juifs ont été tués, sept mille cinq cents magasins juifs
détruits, plus de cent synagogues et lieux saints détruits, notamment, comme
nous le savons, tous les édifices religieux construits par l'architecte
hongrois Ignaz Reiser, créateur de la Zeremonienhalle de la Nouvelle Section
juive du grandiose Zentralfriedhof de Vienne –, la véritable signification
de ce 9 novembre particulier, la raison pour laquelle c'est une date qui, cette
année-là, avait une double signification pour ma famille, c'est que la Kristallnacht est aujourd'hui considérée comme l'événement qui marque le début de
l'Holocauste proprement dit. Et en effet, bien que les villes d'Allemagne et
d'Autriche aient été très éloignées, à tous égards, des shtetls de ce
qui était alors la Pologne orientale, il est possible de voir une ressemblance,
ce qu'on pourrait appeler un air de famille, entre ce qui s'est passé, lors de
la Kristallnacht, dans des endroits célèbres comme Worms, Lubeck, Ulm,
Kiel, Munich, Coblence, Berlin et Stettin (cette dernière ville étant celle
dont mon arrière-grand-père et sa famille, incluant des frères jumeaux âgés de
deux ans, sont partis pour New York en 1892), dans des endroits comme Vienne,
Linz, Innsbruck, Klagenfurt, Graz, Salzbourg, « la ville de Mozart »,
et ce qui s'est passé un peu plus tard dans des endroits minuscules comme
Bolechow. Par exemple, en novembre 1938, les Juifs d'Allemagne ont dû payer une
amende d'un milliard de marks pour réparer les dégâts causés au cours de la
Nuit de cristal, ce qui veut dire que les Juifs ont dû rembourser aux nazis les
dégâts qu'avaient subis les Juifs (et même les six millions de marks – un
chiffre modeste par rapport à un milliard – que les compagnies
d'assurances ont payés au titre des bris de glace ont été reversés au Trésor du
Reich). Ces pratiques comptables grotesques de

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