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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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Et que c'est un
miserable soupper, si on n'a saoullé les assistans de crouppions de
divers oyseaux ; et que le seul bequefigue merite qu'on le
mange entier. J'use familierement de viandes sallées ; si
ayme-je mieux le pain sans sel. Et mon boulanger chez moy, n'en
sert pas d'autre pour ma table, contre l'usage du pays. On a eu en
mon enfance principalement à corriger, le refus, que je faisois des
choses que communément on ayme le mieux, en cet aage ;
succres, confitures, pieces de four. Mon gouverneur combatit cette
hayne de viandes delicates, comme une espece de delicatesse. Aussi
n'est elle autre chose, que difficulté de goust, où qu'il
s'applique. Qui oste à un enfant, certaine particuliere et obstinée
affection au pain bis, et au lard, ou à l'ail, il luy oste la
friandise. Il en est, qui font les laborieux, et les patiens pour
regretter le boeuf, et le jambon, parmy les perdris. Ils ont bon
temps : c'est la delicatesse des delicats ; c'est le
goust d'une molle fortune, qui s'affadit aux choses ordinaires et
accoustumées,
Per quæ luxuria divitiarum tædio ludit
.
Laisser à faire bonne chere de ce qu'un autre la faict ; avoir
un soing curieux de son traictement ; c'est l'essence de ce
vice ;
    Si modica cænare times olus omne
patella
.
    Il y a bien vrayement cette difference, qu'il vaut mieux obliger
son desir, aux choses plus aisées à recouvrer ; mais c'est
tousjours vice de s'obliger. J'appellois autresfois, delicat un
mien parent, qui avoit desapris en noz galeres, à se servir de noz
licts, et se despouiller pour se coucher.
    Si j'avois des enfans masles, je leur desirasse volontiers ma
fortune. Le bon pere que Dieu me donna (qui n'a de moy que la
recognoissance de sa bonté, mais certes bien gaillarde) m'envoya
dés le berceau, nourrir à un pauvre village des siens, et m'y tint
autant que je fus en nourrisse, et encores audelà : me
dressant à la plus basse et commune façon de vivre :
Magna
pars libertatis est bene moratus venter
. Ne prenez jamais, et
donnez encore moins à vos femmes, la charge de leur
nourriture : laissez les former à la fortune, souz des loix
populaires et naturelles : laissez à la coustume, de les
dresser à la frugalité et à l'austerité ; qu'ils ayent
plustost à descendre de l'aspreté, qu'à monter vers elle. Son
humeur visoit encore à une autre fin. De me rallier avec le peuple,
et cette condition d'hommmes, qui a besoin de nostre ayde : et
estimoit que je fusse tenu de regarder plustost, vers celuy qui me
tend les bras, que vers celuy, qui me tourne le dos. Et fut cette
raison, pourquoy aussi il me donna à tenir sur les fons, à des
personnes de la plus abjecte fortune, pour m'y obliger et
attacher.
    Son dessein n'a pas du tout mal succedé : Je m'adonne
volontiers aux petits ; soit pour ce qu'il y a plus de
gloire : soit par naturelle compassion, qui peut infiniement
en moy. Le party que je condemneray en noz guerres, je le
condemneray plus asprement, fleurissant et prospere. Il sera pour
me concilier aucunement à soy quand je le verray miserable et
accablé. Combien volontiers je considere la belle humeur de
Chelonis, fille et femme de Roys de Sparte ! Pendant que
Cleombrotus son mary, aux desordres de sa ville, eut avantage sur
Leonidas son pere, elle fit la bonne fille ; se r'allie avec
son pere, en son exil, en sa misere, s'opposant au victorieux. La
chance vint elle à tourner ? la voyla changée de vouloir avec
la fortune, se rangeant courageusement à son mary : lequel
elle suivit par tout, où sa ruine le porta : N'ayant ce me
semble autre choix, que de se jetter au party, où elle faisoit le
plus de besoin, et où elle se montroit plus pitoyable. Je me laisse
plus naturellement aller apres l'exemple de Flaminius, qui se
prestoit à ceux qui avoyent besoin de luy, plus qu'à ceux qui luy
pouvoient bien-faire : que je ne fais à celuy de Pyrrhus,
propre à s'abaisser soubs les grands, et à s'enorgueillir sur les
petits.
    Les longues tables m'ennuyent, et me nuisent : Car soit
pour m'y estre accoustumé enfant, à faute de meilleure contenance,
je mange autant que j'y suis. Pourtant chez moy, quoy qu'elle soit
des courtes, je m'y mets volontiers un peu apres les autres ;
sur la forme d'Auguste : Mais je ne l'imite pas, en ce qu'il
en sortoit aussi avant les autres. Au rebours, j'ayme à me reposer
long temps apres, et en ouyr comter : Pourveu que je ne m'y
mesle point ; car je me lasse et me blesse de parler,
l'estomach

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