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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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cum rupta corusco
Ignea rima micans percurrit lumine nimbos.
 … ea verba loquutus,
Optatos dedit amplexus, placidumque petivit
Conjugis infusus gremio per membra soporem
.
    Ce que j'y trouve à considerer, c'est qu'il la peinct un peu
bien esmeüe pour une Venus maritale. En ce sage marché, les
appetits ne se trouvent pas si follastres : ils sont sombres
et plus mousses. L'amour hait qu'on se tienne par ailleurs que par
luy, et se mesle laschement aux accointances qui sont dressees et
entretenues soubs autre titre : comme est le mariage.
L'alliance, les moyens, y poisent par raison, autant ou plus, que
les graces et la beauté. On ne se marie pas pour soy, quoy qu'on
die : on se marie autant ou plus, pour sa posterité, pour sa
famille : L'usage et l'interest du mariage touche nostre race,
bien loing pardelà nous. Pourtant me plaist cette façon, qu'on le
conduise plustost par main tierce, que par les propres : et
par le sens d'autruy, que par le sien : Tout cecy, combien à
l'opposite des conventions amoureuses ? Aussi est-ce une
espece d'inceste, d'aller employer à ce parentage venerable et
sacré, les efforts et les extravagances de la licence amoureuse,
comme il me semble avoir dict ailleurs : Il faut (dit
Aristote) toucher sa femme prudemment et severement, de peur qu'en
la chatouillant trop lascivement, le plaisir ne la face sortir hors
des gons de raison. Ce qu'il dit pour la conscience, les medecins
le disent pour la santé. Qu'un plaisir excessivement chaud,
voluptueux, et assidu, altere la semence, et empesche la
conception. Disent d'autrepart, qu'à une congression languissante,
comme celle là est de sa nature : pour la remplir d'une juste
et fertile chaleur, il s'y faut presenter rarement, et à notables
intervalles ;
    Quo rapiat sitiens venerem interiúsque
recondat
.
    Je ne voy point de mariages qui faillent plustost, et se
troublent, que ceux qui s'acheminent par la beauté, et desirs
amoureux : Il y faut des fondemens plus solides, et plus
constans, et y marcher d'aguet : cette boüillante allegresse
n'y vaut rien.
    Ceux qui pensent faire honneur au mariage, pour y joindre
l'amour, font, ce me semble, de mesme ceux, qui pour faire faveur à
la vertu, tiennent, que la noblesse n'est autre chose que vertu. Ce
sont choses qui ont quelque cousinage : mais il y a beaucoup
de diversité : on n'a que faire de troubler leurs noms et
leurs tiltres : On fait tort à l'une ou à l'autre de les
confondre. La noblesse est une belle qualité, et introduite avec
raison : mais d'autant que c'est une qualité dependant
d'autruy, et qui peut tomber en un homme vicieux et de neant, elle
est en estimation bien loing au dessoubs de la vertu. C'est une
vertu, si ce l'est, artificielle et visible : dependant du
temps et de la fortune : diverse en forme selon les contrees,
vivante et mortelle : sans naissance, non plus que la riviere
du Nil : genealogique et commune ; de suite et de
similitude : tiree par consequence, et consequence bien
foible. La science, la force, la bonté, la beauté, la richesse,
toutes autres qualitez, tombent en communication et en
commerce : cette-cy se consomme en soy, de nulle emploite au
service d'autruy. On proposoit à l'un de nos Roys, le choix de deux
competiteurs, en une mesme charge, desquels l'un estoit
gentil'homme, l'autre ne l'estoit point : il ordonna que sans
respect de cette qualité, on choisist celuy qui auroit le plus de
merite : mais où la valeur seroit entierement pareille,
qu'alors on eust respect à la noblesse : c'estoit justement
luy donner son rang. Antigonus à un jeune homme incogneu, qui luy
demandoit la charge de son pere, homme de valeur, qui venoit de
mourir : Mon amy, dit-il, en tels bien faicts, je ne regarde
pas tant la noblesse de mes soldats, comme je fais leur
proüesse.
    De vray, il n'en doibt pas aller comme des officiers des Roys de
Sparte, trompettes, menestriers, cuisiniers, à qui en leurs charges
succedoient les enfants, pour ignorants qu'ils fussent, avant les
mieux experimentez du mestier. Ceux de Callicut font des nobles,
une espece par dessus l'humaine. Le mariage leur est interdit, et
toute autre vacation que bellique. De concubines, ils en peuvent
avoir leur saoul : et les femmes autant de ruffiens :
sans jalousie les uns des autres. Mais c'est un crime capital et
irremissible, de s'accoupler à personne d'autre condition que la
leur. Et se tiennent pollus, s'ils en sont seulement touchez en
passant : et, comme

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