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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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adusque meum
.
    Il me semble qu'il me chapone. Que Martial retrousse Venus à sa
poste, il n'arrive pas à la faire paroistre si entiere. Celuy qui
dit tout, il nous saoule et nous desgouste. Celuy qui craint à
s'exprimer, nous achemine à en penser plus qu'il n'en y a. Il y a
de la trahison en cette sorte de modestie : et notamment nous
entr'ouvrant comme font ceux cy, une si belle route à
l'imagination : Et l'action et la peinture doivent sentir leur
larrecin.
    L'amour des Espagnols, et des Italiens, plus respectueuse et
craintifve, plus mineuse et couverte, me plaist. Je ne sçay qui,
anciennement, desiroit le gosier allongé comme le col d'une gruë,
pour savourer plus long temps ce qu'il avalloit. Ce souhait est
mieux à propos en cette volupté, viste et precipiteuse :
Mesmes à telles natures comme est la mienne, qui suis vicieux en
soudaineté. Pour arrester sa fuitte, et l'estendre en
preambules ; entre-eux, tout sert de faveur et de
recompense : une oeillade, une inclination, une parolle, un
signe. Qui se pourroit disner de la fumee du rost, feroit-il pas
une belle espargne ? C'est une passion qui mesle à bien peu
d'essence solide, beaucoup plus de vanité et resverie
fievreuse : il la faut payer et servir de mesme. Apprenons aux
dames à se faire valoir, à s'estimer, à nous amuser, et à nous
piper. Nous faisons nostre charge extreme la premiere : il y a
tousjours de l'impetuosité Françoise : Faisant filer leurs
faveurs, et les estallant en detail : chacun, jusques à la
vieillesse miserable, y trouve quelque bout de lisiere, selon son
vaillant et son merite. Qui n'a jouyssance, qu'en la
jouyssance : qui ne gaigne que du haut poinct : qui
n'ayme la chasse qu'en la prise : il ne luy appartient pas de
se mesler à nostre escole. Plus il y a de marches et degrez, plus
il y a de hauteur et d'honneur au dernier siege. Nous nous devrions
plaire d'y estre conduicts, comme il se faict aux palais
magnifiques, par divers portiques, et passages, longues et
plaisantes galleries, et plusieurs destours. Cette dispensation
reviendroit à nostre commodité : nous y arresterions, et nous
y aymerions plus long temps : Sans esperance, et sans desir,
nous n'allons plus rien qui vaille : Nostre maistrise et
entiere possession, leur est infiniément à craindre : Depuis
qu'elles sont du tout rendues à la mercy de nostre foy, et
constance, elles sont un peu bien hasardees : Ce sont vertus
rares et difficiles : soudain qu'elles sont à nous, nous ne
sommes plus à elles.
    postquam cupidæ mentis satiata libido
est,
Verba nihil metuere, nihil perjuria curant
.
    Et Thrasonidez jeune homme Grec, fut si amoureux de son amour,
qu'il refusa, ayant gaigné le coeur d'une maistresse, d'en
jouyr : pour n'amortir, rassasier et allanguir par la
jouyssance cette ardeur inquiete, de laquelle il se glorifioit et
se paissoit.
    La cherté donne goust à la viande. Voyez combien la forme des
salutations, qui est particuliere à nostre nation, abastardit par
sa facilité, la grace des baisers, lesquels Socrates dit estre si
puissans et dangereux à voler nos coeurs. C'est une desplaisante
coustume, et injurieuse aux dames, d'avoir à prester leurs levres,
à quiconque a trois valets à sa suitte, pour mal plaisant qu'il
soit,
    Cujus livida naribus caninis,
Dependet glacies, rigétque barba :
Centum occurrere malo culilingis
.
    Et nous mesme n'y gaignons guere : car comme le monde se
voit party, pour trois belles, il nous en faut baiser cinquante
laides : Et à un estomach tendre, comme sont ceux de mon aage,
un mauvais baiser en surpaie un bon.
    Ils font les poursuyvans en Italie, et les transis, de celles
mesmes qui sont à vendre : et se defendent ainsi : Qu'il
y a des degrez en la jouyssance : et que par services ils
veulent obtenir pour eux, celle qui est la plus entiere. Elles ne
vendent que le corps : La volonté ne peut estre mise en vente,
elle est trop libre et trop sienne : Ainsi ceux cy disent, que
c'est la volonté qu'ils entreprennent, et ont raison. C'est la
volonté qu'il faut servir et practiquer. J'ay horreur d'imaginer
mien, un corps privé d'affection. Et me semble, que cette
forcenerie est voisine à celle de ce garçon, qui alla saillir par
amour, la belle image de Venus que Praxiteles avoit faicte :
Ou de ce furieux Ægyptien, eschauffé apres la charongne d'une morte
qu'il embaumoit et ensueroit : Lequel donna occasion à la loy,
qui fut faicte depuis en Ægypte, que les corps des belles

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