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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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venir en sa boutique aucun coq naturel.
    Et auroy plustost besoing, pour me donner un peu de lustre, de
l'invention du musicien Antinonydes, qui, quand il avoit à faire la
musique, mettoit ordre que devant ou apres luy, son auditoire fust
abbreuvé de quelques autres mauvais chantres.
    Mais je me puis plus malaisément deffaire de Plutarque : il
est si universel et si plain, qu'à toutes occasions, et quelque
suject extravagant que vous ayez pris, il s'ingere à vostre
besongne, et vous tend une main liberale et inespuisable de
richesses, et d'embellissemens. Il m'en fait despit, d'estre si
fort exposé au pillage de ceux qui le hantent. Je ne le puis si peu
racointer, que je n'en tire cuisse ou aile.
    Pour ce mien dessein, il me vient aussi à propos, d'escrire chez
moy, en pays sauvage, où personne ne m'aide, ny me releve : où
je ne hante communément homme, qui entende le Latin de son
patenostre ; et de François un peu moins. Je l'eusse faict
meilleur ailleurs, mais l'ouvrage eust esté moins mien : Et sa
fin principale et perfection, c'est d'estre exactement mien. Je
corrigerois bien une erreur accidentale, dequoy je suis plein,
ainsi que je cours inadvertemment : mais les imperfections qui
sont en moy ordinaires et constantes, ce seroit trahison de les
oster. Quand on m'a dict ou que moy-mesme me suis dict : Tu es
trop espais en figures, voyla un mot du cru de Gascongne :
voyla une phrase dangereuse : (je n'en refuis aucune de celles
qui s'usent emmy les rues Françoises : ceux qui veulent
combatre l'usage par la grammaire se moquent) voylà un discours
ignorant : voylà un discours paradoxe, en voylà un trop
fol : Tu te joues souvent, on estimera que tu dies à droit, ce
que tu dis à feinte. Oüy, fais-je, mais je corrige les fautes
d'inadvertence, non celles de coustume. Est-ce pas ainsi que je
parle par tout ? me represente-je pas vivement ? suffit.
J'ay faict ce que j'ay voulu : tout le monde me recognoist en
mon livre, et mon livre en moy.
    Or j'ay une condition singeresse et imitatrice : Quand je
me meslois de faire des vers (et n'en fis jamais que des Latins)
ils accusoient evidemment le poëte que je venois dernierement de
lire : Et de mes premiers Essays, aucuns puent un peu
l'estranger. A Paris je parle un langage aucunement autre qu'à
Montaigne. Qui que je regarde avec attention, m'imprime facilement
quelque chose du sien. Ce que je considere, je l'usurpe : une
sotte contenance, une desplaisante grimace, une forme de parler
ridicule. Les vices plus : D'autant qu'ils me poingnent, ils
s'acrochent à moy, et ne s'en vont pas sans secouer. On m'a veu
plus souvent jurer par similitude, que par complexion.
    Imitation meurtriere, comme celle des singes horribles en
grandeur et en force, que le Roy Alexandre rencontra en certaine
contree des Indes. Desquels il eust esté autrement difficile de
venir à bout. Mais ils en presterent le moyen par cette leur
inclination à contrefaire tout ce qu'ils voyent faire. Car par là
les chasseurs apprindrent de se chausser des souliers à leur veuë,
avec force noeuds de liens : de s'affubler d'accoustremens de
teste à tout des lacs courants, et oindre par semblant, leurs yeux
de glux. Ainsi mettoyent imprudemment à mal, ces pauvres bestes,
leur complexion singeresse. Ils s'engluoient, s'enchevestroyent et
garrotoyent eux mesmes. Cette autre faculté, de representer
ingenieusement les gestes et parolles d'un autre, par dessein qui
apporte souvent plaisir et admiration, n'est en moy, non plus qu'en
une souche. Quand je jure selon moy, c'est seulement, par Dieu, qui
est le plus droit de touts les serments. Ils disent, que Socrates
juroit le chien : Zenon cette mesme interjection, qui sert à
cette heure aux Italiens, Cappari : Pythagoras, l'eau et
l'air.
    Je suis si aisé à reçevoir sans y penser ces impressions
superficielles, que si j'ay eu en la bouche, Sire ou Altesse, trois
jours de suite, huict jours apres ils m'eschappent, pour
excellence, ou pour seigneurie. Et ce que j'auray pris en battelant
et en me moquant, je le diray lendemain serieusement. Parquoy, a
escrire, j'accepte plus envis les argumens battus, de peur que je
les traicte aux despens d'autruy. Tout argument m'est egallement
fertile. Je les prens sur une mouche. Et Dieu vueille que celuy que
j'ay icy en main, n'ait pas esté pris, par le commandement d'une
volonté autant volage. Que je commence par celle qu'il me plaira,
car les matieres se tiennent toutes enchesnees les

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