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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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responsable de l’inondation.
    — Son Excellence a-t-elle pris le bateau de minuit ?
    — Oui, dit-il en hochant la tête. L’ Archiduc Sigmund .
    Puis il ajouta d’une voix détachée, avant de s’emparer à nouveau de son étui à cigarettes :
    — Le paquebot est parti à l’heure.
    « Voilà une affirmation facile à vérifier », pensa Tron. Et comme s’il avait lu dans ses pensées, Gutiérrez conclut :
    — J’imagine que vous allez vérifier mes dires, commissaire ?
    Sans attendre la réponse, il se leva pour raccompagner les deux policiers. Tron l’imita. L’ambassadeur les mettait ni plus ni moins à la porte. Mais comme il n’avait pas d’autre question, le commissaire s’abstint de protester.
    Dans le vestibule, ils aperçurent un individu. Sa présence expliquait peut-être la soudaine hâte du diplomate. Il s’agissait d’un homme d’une trentaine d’années, vêtu d’une redingote noire, qui regardait par la fenêtre. Au moment où ils sortirent, le visiteur se retourna, jeta un coup d’œil mauvais sur l’uniforme de Bossi et les croisa sans un salut. Il boitait. Ses longues incisives, reposant sur sa lèvre inférieure, faisaient penser à une fouine. Tron n’eut pas le temps de l’examiner plus avant, mais crut entendre l’ambassadeur l’appeler Scherzbecher.
    Sur la riva degli Schiavoni, le commissaire constata que le brouillard s’était encore épaissi. Le petit bateau à vapeur en provenance de Chioggia chargeait l’air lourd et humide de particules de suie. Malgré tout, il reconnut de l’autre côté du débarcadère le grand paquebot où il avait été appelé l’année précédente pour enquêter sur le double meurtre d’un conseiller de Vienne et d’une jeune femme de Trieste 1 . À ce souvenir, il ne put s’empêcher de songer au bond que son cœur avait fait lorsqu’il avait revu à l’improviste la princesse sur la passerelle de l’ Archiduc Sigmund . La conversation qu’ils avaient menée sur le pont avait duré assez longtemps. Or aujourd’hui, il se rappelait moins leurs propos que l’empreinte de ses bottes dans la neige fraîche.
    La voix de son subordonné l’arracha à ses pensées.
    — Il ment.
    Ils se tenaient toujours devant l’entrée du Danieli , comme deux touristes incapables de se décider entre la place et l’Arsenal.
    Tron regarda Bossi sans comprendre.
    — Comment ?
    — Gutiérrez ment, commissaire, répéta-t-il avec calme.
    Soudain, il ricana et – en dépit du règlement – mit les mains dans les poches de son uniforme.
    — Ses horaires sont faux de bout en bout. Il est rentré beaucoup plus tard à l’hôtel.
    — Qu’est-ce qui vous permet d’avancer cela ?
    Son sourire se fit encore plus large.
    — Dimanche, j’étais de garde. C’est vous qui avez réparti les services, commissaire, ajouta-t-il avec un léger ton de reproche dans la voix.
    Tron renonça à lui expliquer qu’en règle générale, il avait oublié le contenu de la grille avant que l’encre n’ait eu le temps de sécher.
    — Est-ce à dire que vous l’avez vu ce soir-là ?
    Il secoua la tête.
    — Je n’ai pas eu besoin de le voir ! s’exclama-t-il.
    Il s’arrêta un court instant et reprit :
    — Vous vous rappelez qu’il a prétendu avoir dû changer ses chaussures parce que la place était sous l’eau ?
    Tron approuva.
    — Et qu’il a affirmé être rentré aussitôt après avoir déposé la jeune femme chez elle ?
    — Je ne comprends toujours pas où vous voulez en venir, sergent.
    — Je veux en venir au fait que, vers neuf heures, la place n’était pas sous l’eau. L’inondation fut plus tardive et, il faut le dire, brutale. On pouvait voir le niveau augmenter de minute en minute. En une demi-heure, la place s’est remplie comme un baquet.
    — Quand l’eau a-t-elle commencé à monter ?
    — Vers onze heures moins le quart. Trente minutes après, l’eau arrivait à hauteur de chevilles. À cause de ce terrible vent d’est.
    — Nous pouvons donc déterminer de manière assez précise à quelle heure Gutiérrez a traversé la Piazza 2 .
    Bossi hocha la tête avec fierté.
    — S’il avait les pieds trempés, il est rentré au Danieli entre onze heures et onze heures et demie.
    — Il a dû se presser pour ne pas manquer l’ Archiduc Sigmund .
    — Ce ne doit pas être difficile à vérifier. La plupart des passagers arrivent en avance. Le commissaire du bord va forcément se souvenir

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