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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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C’est la deuxième fois de ma vie que je vois ça.»
    Émilie, à ses côtés, regardait l’oiseau elle aussi. L’oiseau survola leur tête une dernière fois puis disparut dans le bois.
    «Pour moi, Émilie, on va l’entendre cette nuit.
    —        Tu m’as toujours pas dit ce que c’était.
    —        Un grand duc, Émilie. Un maudit beau grand duc. Pis presque blanc. J’en connais qui auraient donné cher pour le tuer pis l’empailler. Moi, un oiseau de même, je pourrais pas tuer ça. »
    Ce soir-là, ils s’endormirent serrés l’un contre l’autre, l’oreille à l’écoute des hululements du grand duc.
    Le calme de leurs journées ne laissait qu’un mince sillon sur la glace de l’hiver. Elles se ressemblaient toutes. Émilie se levait la première et langeait Rose. Ovila s’extirpait ensuite du lit et chauffait le poêle et l’eau. S’il savait son frère fatigué, il allait parfois donner un coup de main pour la traite des vaches. Si Ovide était en état de superviser le travail des jeunes, Ovila restait tranquillement près d’Émilie et de Rose à siroter un thé chaud et à grignoter des croûtons de pain. Rose dandinait son année et demi avec beaucoup de sérieux. Quand la journée s’annonçait ensoleillée, Ovila s’isolait plus tôt dans son atelier de façon à pouvoir se permettre une pause traîneau avec Rose. Émilie les accompagnait parfois, quand elle n’avait pas les mains mouillées par l’eau de vaisselle ou de lessive ou si elle n’avait pas quelque morceau de tissu qui trempait dans la teinture. Elle avait donné le manteau de castor à Ovila. Elle avait attendu pendant des mois qu’il se plaigne du froid avant de le sortir de la naphtaline et de le lui remettre. Ovila avait été fort surpris qu’elle ait trouvé le moyen de faire deux manteaux dans les peaux qu’il avait rapportées.
    Le froid étant trop traître, ils n’allèrent pas à Saint- Stanislas pour les Fêtes. Célina leur avait écrit qu’elle comprenait leur hésitation à faire faire le voyage à Rose. Caleb et Célina arrivèrent donc pour les surprendre la veille de l’Épiphanie. Émilie s’empressa de les accueillir, de les réchauffer et de leur faire entendre quelques airs d’accordéon pendant que Caleb jouait au cheval avec Rose. Il avait croisé une jambe et avait installé la petite sur le dessus de sa bottine, lui tenant fermement les mains. Il la faisait sauter au rythme de sa comptine.
    «Viens-t’en, ma Rose. Viens faire du ch’val sur le pied à pépère. Accroche-toi bien, là, parce que c’est un maudit bel étalon le ch’val à pépère. Tu te tiens là? On part. À Paris...à Paris, sur un petit cheval gris. Au pas, au pas... au trot, au trot... au galop... au galop!»
    Rose souriait en se dandinant au pas, ricanait en rebondissant au trot et riait aux éclats en s’accrochant au galop.
    «Veux-tu recommencer, ma Rose? Le cheval à pépère se fatigue jamais.
    —        A-o, répondit Rose.
    —        As-tu entendu ça, Emilie? La p’tite a dit galop.»
    Emilie rit aux éclats en regardant les joues rouges de Rose.
    «Je voudrais pas vous décevoir, pâpâ, mais Rose dit a-o pour tout. A-o, pour en haut; a-o pour de l’eau; a-o pour bobo; a-o pour gâteau; a-o pour traîneau, pis astheure elle va dire a-o pour galop. On a juste à regarder où c’est qu’elle regarde pour savoir de quel a-o il s’agit.»
    Caleb feignit d’être terriblement déçu et s’acharna pendant tout son séjour à essayer de faire dire galop à Rose.
    «Me semble qu’elle parle pas beaucoup pour son âge.
    —        Rose est de même. Elle parle pas, elle a marché tard, pis elle a pas l’air intéressée pantoute à aller sur le pot.
    —        Tu tiens pas de ton pépère, ma Rose, pour être paresseuse de même. Regarde ton pépère. Il est pas paresseux pis il va vivre vieux pareil.»
    Célina s’abstint de commentaires autres que les rappels qu’elle lançait à Caleb de cesser de faire galoper la petite après les repas.
    «Arrête-toi donc deux minutes, Caleb. Tu vas lui mettre l’estomac à l’envers. »
    —        Célina, j’ai jamais eu le temps de m’amuser avec les nôtres parce que j’étais trop affairé. Astheure que le lait tombe dans les chaudières même quand je suis pas là, j’vas toujours bien pas me priver de jouer avec ma p’tite- fille. Rose connaît rien que son pépère Pronovost. Faut que je lui

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