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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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l’avait déposée au magasin général puis, pendant qu’elle faisait ses achats, il était allé au presbytère payer une messe in memoriam pour sa mère. Après avoir parlé avec le curé, il s’en était retourné chez lui, oubliant complètement Célina. Il avait dételé la jument, rangé la voiture dans le bâtiment, puis était entré dans la maison. Ne voyant pas Célina, il avait demandé où elle était. Les enfants l’avaient regardé, incrédules, puis lui avaient rappelé qu’elle était partie avec lui. Caleb avait sursauté, avait couru harnacher la jument et était revenu à vive allure en direction du village. Le marchand général avait soupiré d’aise en voyant Caleb entrer dans le magasin.
    «Où c’est que vous étiez? Ça fait plus qu’une heure que votre femme vous attend! On a eu l’impression de vous voir passer devant le magasin tantôt. On aurait dit que vous vous en alliez à la Côte. »
    Caleb avait rejoint sa femme. Célina, assise dans l’arrière-boutique, tenait ses provisions sur ses genoux et fulminait. Elle l’avait fusillé du regard, s’était levée d’un bond, était sortie la tête haute du magasin, avait grimpé dans la voiture et s’était assise sans déposer ses provisions. Tant bien que mal, Caleb avait essayé de lui venir en aide, mais elle avait sèchement refusé toutes ses tentatives. Ils s’étaient mis en route.
    «Caleb Bordeleau, mon bougrin, avait-elle enfin dit, veux-tu me dire ce qui t’a retenu longtemps de même? Je suppose que tu es allé jaser! As-tu l’impression que ça me prend deux heures pour acheter de la farine, du sucre, pis du savon?»
    Caleb avait retenu le fou rire qu’il refoulait derrière ses lèvres closes. Mais les omoplates lui chatouillaient les épaules.
    «Ha! pis tu trouves ça drôle de me faire attendre comme une dinde! Tu as pas de respect, mon enfant de carême!»
    Elle n’avait plus ouvert la bouche jusqu’à ce qu’ils arrivent à la maison et que les enfants les accueillent en riant.
    «Ma foi du Bon Dieu, Caleb, on dirait que les enfants rient de moi!»
    Caleb avait enfin laissé exploser son hilarité. Les enfants s’étaient empressés de raconter à leur mère ce qui s’était passé. Célina ne les avait d’abord pas crus. Mais voyant qu’ils ne pouvaient mentir, elle avait décoléré et ri à son tour.
    «C’est le bout’ du bout’! Oublier sa femme parce qu’on jongle trop fort! Caleb Bordeleau, j’vas m’en rappeler de celle-là. Pis, fais-moi confiance, tu as pas fini d’en entendre parler!»
    Ce soir-là, ils s’étaient couchés en riant encore. Caleb, de sa magistrale distraction; Célina, de le voir rire de si bon cœur.
     
    5.
    Le mois de janvier n’avait donné aucun répit à Émilie, les froids l’obligeant à se lever la nuit pour chauffer son école sans cesse secouée par le vent. Elle aurait assez bien enduré la chose si elle n’avait été affligée d’une grippe insupportable qui la rendait fiévreuse et impatiente. Les enfants, peu habitués à la voir si irascible, devinrent nerveux. Émilie les accabla donc davantage. Finalement, au début de février, elle put repasser et ranger ses mouchoirs. Elle retrouva sa forme en même temps que l’hiver proposa une trêve.
    Février achevait. Il avait été enrobé de soleil. La terre, croyant le printemps venu, s’était laissé dépouiller d’une bonne couche de neige. Les cultivateurs s’inquiétaient de ce printemps, redoutant une mauvaise année pour les sucres. Mais dans leur optimisme, ils avaient prédit que le mois de mars ramènerait sûrement des temps plus froids.
    Mars était attendu pour le lendemain. Émilie expliquait aux enfants que l’année 96 était une année bissextile. Qu’exceptionnellement, il y avait un 29 février. Les enfants demandèrent si, à cause de cette journée supplémentaire, Noël serait le 24 décembre. Émilie allait commencer à leur conter l’histoire du calendrier lorsque Lazare Pronovost poussa un grand cri, s’agrippa à son pupitre, se raidit comme une barre de fer et tomba à la renverse, la chaise sous lui et le pupitre par-dessus. Emilie crut à une blague, mais elle vit les autres enfants Pronovost se lever à toute vitesse. Ovila et Eva retirèrent le pupitre, Emile la chaise. Rosée prit un livre et essaya de l’introduire dans la bouche de Lazare. Ce dernier, arqué comme un pont, avait la moitié du visage tiré vers l’arrière et émettait des

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