Les Filles De Caleb
partir, mais elle revint quelques minutes plus tard, la mine réjouie. Elle appela Émilie et lui dit que Lazare était sûrement mort mais que, comme le vrai Lazare, il était ressuscité. Émilie fut étonnée de sa remarque mais dit à Charlotte qu’elle avait probablement raison. Charlotte repartit le cœur léger.
Les enfants Pronovost avaient remis de l’ordre dans la classe. Rosée monta à l’étage et demanda à ses frères et à Éva d’aller chercher de l’aide. Ils obéirent et quittèrent l’école, secoués et l’âme chavirée. Émilie inspira profondément avant de remonter. Rosée lui sourit.
«Je sais que ça fait peur, mam’selle, mais c’est pas grave. C’est le grand mal.
— C’est ce que j’ai pensé mais comme j’avais jamais vu ça, j’étais pas certaine. Je savais pas que Lazare souffrait du grand mal.
— Mes parents vous l’avaient pas dit?»
Émilie fit non de la tête.
«Ça doit être parce que ça fait trois ans que Lazare a pas eu de crise. On espérait qu’il soit guéri. »
Elles s’assirent toutes les deux à côté du lit. Émilie trouva qu’elles avaient l’air de veiller au corps. Elle s’assura que Lazare respirait bien puis elle chevaucha ses pensées, revoyant l’horrible scène dont elle venait d’être témoin. Elle eut un nouveau haut-le-cœur qu’elle tenta vainement de maîtriser. Elle se leva rapidement, accrocha son bol à main au passage et descendit l’escalier à la course. Elle eut à peine le temps de toucher la dernière marche que déjà elle vomissait toute la peur qui lui avait collé à l’estomac.
Elle rinçait son bol lorsqu’Ovila revint avec son père et son frère Ovide pour ramener Lazare à la maison. Dosithée comprit le malaise d’Emilie à la coloration de ses joues et à l’odeur qui lui parvint aux narines. Emilie tenta de dissimuler sa gêne. Elle escorta le père et ses deux fils au chevet de Lazare. Rosée était toujours assise près de son frère qui venait de s’éveiller. Elle lui expliquait qu’il était encore à l’école et que tout allait bien. Lazare, leur dit-elle, s’était inquiété de s’être éveillé dans un décor étranger.
«Hé! bien, mon garçon! Paraît que tu as fait une belle frousse à tout le monde. »
Le père Pronovost parlait un peu trop fort pour convaincre qui que ce soit que lui-même en avait été épargné. Lazare essaya de sourire mais son sourire se déforma et il se mit à pleurer.
«Voyons, mon jeune, faut pas pleurer. Tu allais bien depuis trois ans. Astheure, tu devrais avoir la paix pour un autre bon trois ans. Calme-toi là. Ovide pis moi, on va te porter jusqu’à la maison en faisant la chaise avec nos bras.
— Je veux marcher tout seul!
— C’est que moi je pense que c’est mieux que tu te laisses porter comme un roi. Demain, tu marcheras pis tu courras tant que tu voudras. Aujourd’hui, nous autres on est à ton service.»
Il appuya ces paroles de gestes discrets à l’intention de Rosée et d’Ovide, la première devant lever l’enfant, le second, le couvrir d’une des couvertures qu’ils avaient apportées. Lazare les laissa faire. Dosithée et Ovide lui firent descendre l’escalier. Prudemment. Ovila prit les bottes et le manteau de son frère. Emilie les escorta sans trouver à faire une seule chose qui aurait pu leur être utile. Elle ne pensa même pas à ouvrir la porte. Elle voulut dire une bonne parole à Lazare, l’encourager ou lui sourire, mais elle en fut incapable. Lazare la salua et elle ne réagit pas. Ovide s’abstint de la regarder. Dosithée murmura quelques paroles de remerciement. Émilie referma la porte derrière eux et courut vomir une seconde fois. Elle se rinça la bouche, trempa son mouchoir dans de l’eau glacée et monta pour s’étendre. Dès qu’elle aperçut le lit, elle refusa de s’en approcher et s’écrasa dans sa berceuse. Elle posa un coussin sous sa tête, mit le mouchoir sur son front et ferma les yeux. Elle respira très fort, essayant de réprimer une nouvelle nausée.
Le soleil avait fini d’éclabousser ses fenêtres quand elle reprit un peu de vie. Elle décida de boire un bouillon chaud mais son estomac refusa cette agression. Dès qu’elle l’eut soulagé, elle alluma une lampe et tenta vainement de se changer les idées en lisant son éternel dictionnaire. Elle chercha une explication au problème de Lazare sous mal puis sous
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