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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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correctement. L’inspecteur, lui, semblait s’amuser follement. Enfin, constatant que l’heure de la fin de la classe approchait, il proposa un dernier mot.
    «Je veux le singulier du mot: épousailles.
    —        E (accent aigu) p-o-u-s-a-i-l-l-e, répondit Rosée, soulagée d’avoir enfin été à la hauteur de sa réputation.
    —        Non! rugit l’inspecteur.» Rosée blêmit. «Épousailles n’a pas de singulier! poursuivit-il. Allez-vous vous en souvenir? Épousailles n’a pas de singulier! Pensez-y. Je vous donne un truc pour que vous vous en souveniez. Il y a toujours deux personnes qui s’épousent. Répétez ça: Epousailles n’a pas de singulier.»
    Les élèves répétèrent la phrase en y mettant tout le cœur qui leur restait. L’inspecteur se calma. Il leur sourit et les invita à quitter l’école après leur avoir donné congé de leçons. Les élèves ne se firent pas prier. Ils rangèrent leurs effets et sortirent presque en silence. Emilie les accompagna à la porte et les félicita. Rosée était en larmes. Émilie la consola en disant que finalement il n’y avait eu que cette partie de l’examen qui avait posé quelques problèmes.
    Elle revint vers l’inspecteur. Celui-ci la regardait fixement. Émilie, mal à l’aise, se demandait lequel de ses yeux était le bon. Elle se racla la gorge avant de lui offrir une tasse de thé qu’il refusa avec exaspération, à cause de la chaleur. Elle lui apporta un verre d’eau.
    «J’ai entendu parler de vous, dit-il en avalant sa dernière gorgée. Il paraît que vous n’avez pas froid aux yeux. Que vous êtes savante. Il faudrait passer un peu de votre savoir à vos élèves...»
    Il la regarda, un sourcil levé, l’autre baissé, ce qui accentuait son strabisme.
    «On ne peut pas dire qu’ils soient bien bien forts en épellation. »
    Elle ne sut que répondre, partagée entre sa furie et sa déception.
    «J’vas essayer de faire mieux l’année prochaine», osa- t-elle enfin.
    L’inspecteur éclata de rire. Émilie se demandait ce qu’elle avait dit de drôle. Il lui demanda un autre verre d’eau et s’étouffa, tant il riait.
    «Il faut rire, mademoiselle. Voyez-vous, je suis un vieux farceur. Quand des élèves ont toutes les bonnes réponses, je m’ennuie terriblement. Pour rompre cette monotonie, j’ai fait une liste de questions difficiles, simplement pour les fouetter un peu. Eux, et l’institutrice», ajouta-t-il en la regardant d’un air moqueur.
    «Ma liste de mots, je ne la sors pas fréquemment. Uniquement quand l’institutrice fait bien son travail... On s’amuse comme on peut, voyez-vous.»
    Emilie commençait à voir. Mais elle ne s’amusait pas vraiment.
    «Est-ce que ça veut dire que vous allez me garder l’année prochaine?
    —        Evidemment! Vous êtes sans pareille! Saint-Tite peut se vanter d’avoir une bonne petite école de rang. Parlant de Saint-Tite, cela me fait penser qu’hier j’étais à Saint-Stanislas. Il y aura une école de libre l’année prochaine. Voulez-vous que je vous recommande?»
    Émilie n’avait jamais pensé enseigner à Saint-Stanislas. La question la prit au dépourvu.
    «J’vas y penser. Si je décidais d’y aller l’année prochaine, je vous le ferai savoir. J’apprécierais un bon mot.
    —        Songez-y. Votre famille serait contente de vous savoir à la maison...
    —        J’vas en parler avec eux autres.
    —        Faites cela. Bon! moi je dois vous quitter. Demain, on m’attend dans une école de Sainte-Thècle. Je préfère m’y rendre ce soir. Mes hommages, mademoiselle. Vous avez vraiment une belle vocation. »
    L’inspecteur quitta l’école en ricanant, apparemment très fier de son après-midi. Émilie s’obligea à demeurer surla galerie à lui envoyer la main jusqu’à ce qu’elle perde la calèche de vue. Dès que le nuage de poussière disparut, elle entra dans l’école, épuisée.
    8.
    Emilie ne reçut pas de prime d’enseignement cette année-là, même si, l’apprit-elle, l’inspecteur l’avait chaudement recommandée. A la Saint-Jean-Baptiste, elle avait fini de remplir ses malles. Le grand ménage de l’école avait été fait par les enfants qui pouvaient se permettre de laisser la ferme. Emilie avait donc eu l’aide des petits, surtout les filles, les garçons devant érocher et désherber les rangs de semis. Tous les pupitres avaient été entassés dans un coin de la classe

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