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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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ne semblait jamais pouvoir trouver à la maison, sa mère étant toujours alitée et dépassée par sa progéniture. L’été avait étiré puis raccourci ses journées sur des champs dont les couleurs s’apparentaient de plus en plus au jaune. Émilie reprenait vie à mesure que la terre semblait montrer quelques signes d’agonie. Vint enfin le temps où elle put reboucler ses malles biens bourrées de nouveaux vêtements qu’elle avait créés durant ses heures de liberté.
     
    9.
    L’école n’avait pas bougé, toujours enfouie à l’intersection du Bourdais et de la montée des Pointes. Emilie l’avait dépoussiérée de ses deux mois de répit avant de commencer sa seconde année d’enseignement, marquée par l’arrivée de plusieurs nouveaux élèves. Elle avait dû repenser l’organisation de son temps, les petits l’emportant maintenant en nombre sur les grands. Elle voisina un peu moins les Pronovost que l’année précédente, consciente que certaines personnes voyaient d’un œil à la limite d’être mauvais le fait qu’un commissaire, père de nombreux fils dont au moins un était en âge de se marier, s’attachât à une institutrice. Elle se permit toutefois d’accompagner Ovide à la noce d’un de ses amis. Elle refusa cependant de faire partie de la chorale de la paroisse, préférant au chant le calme et la solitude dont elle devenait particulièrement friande après ses harassantes journées. Elle avait assisté à l’ouverture d’une école commerciale à Saint-Tite, heureuse d’apprendre que quelques-uns de ses finissants avaient l’intention de la fréquenter dans l’espoir de se trouver une bonne situation.
    Elle était retournée à Saint-Stanislas aux mêmes dates que l’année précédente, mais avait écourté son séjour des Fêtes afin d’assister à la fête des Rois chez les Pronovost. Son père n’avait pas prisé cette décision, mais Emilie avait tenu bon. Plusieurs familles du rang et du village avaient été conviées. Pour la seconde fois depuis son arrivée à Saint- Tite, Émilie avait dansé et veillé une bonne partie de la nuit. Les invités avaient bien ri de la voir couronnée reine. Les hommes durent se servir une seconde portion de gâteau avant qu’Ovila ne croquât le pois. On le couronna, mais il renonça à son titre. Ovide monta donc sur le trône et embrassa la reine sur ses deux joues fort rougies par la chaleur, le plaisir et la timidité.
    L’hiver avait été moins rigoureux que celui de l’année précédente. Émilie, dont la chambre était maintenant munie d’un poêle, le trouva très supportable, s’habituant à fendre elle-même son bois. Elle avait écrit aux commissaires pour les remercier — même si le poêle promis pour septembre n’était arrivé qu’à la mi-décembre — et avait profité de l’occasion pour leur demander s’ils ne pouvaient pas organiser une corvée pour construire une rallonge à l’école afin d’y installer un «petit coin». L’état de santé de Charlotte lui avait donné le courage de faire cette requête. Cette dernière, en effet, avait dû s’absenter de l’école, ses malaises l’obligeant à s’aliter à de nombreuses reprises. La fréquence de ses visites au «petit coin» s’était accrue. Charlotte, âgée de sept ans, avait maintenant la responsabilité de ses reins. Ses parents lui avaient donné une léontine qu’elle mettait bien en vue sur son pupitre. L’appel lancé aux commissaires fut entendu. On lui promit que la corvée aurait lieu dès que le printemps gonflerait la terre de vie.
    Le mois de mars avait été clément. Aussi est-ce sur une terre à nu qu’avril prit possession de sa miette de temps. Mais avril avait cédé, malgré quelques journées ensoleillées, à des attaques de froidure et de neige. La corvée fut reportée au mois de mai.
    Les hommes arrivèrent le premier samedi de mai. Émilie s’empressa de les rejoindre. Il fut décidé qu’une partie de la galerie avant serait sacrifiée pour permettre l’érection d’un nouveau mur. Les travaux durèrent toute la journée. L’école vibra sous les attaques incessantes des marteaux. Emilie s’étonna de la rapidité avec laquelle les mains et les pieds s’étaient organisés pour ne pas se nuire. Chacun était à sa tâche. Elle fut surprise que les hommes installent une fenêtre. Elle trouva l’idée charmante et commença à choisir, parmi ses retailles de tissu, celles qu’elle

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