Les Filles De Caleb
chose de très convenable pour des fiançailles. À cause de sa surcharge de travail et du temps qu’elle devait consacrer à la couture, elle n’avait pas fait de crèche ni monté de spectacle. Les samedis, elle était allée visiter Antoinette au village en faisant ses courses et Antoinette était venue passer ses dimanches à l’école. Les religieuses lui avaient accordé cette permission spéciale, sachant qu’elle passerait les Fêtes éloignée de sa mère, comme chaque année.
Émilie avait reçu deux lettres d’Henri pendant le mois de décembre et aucune d’Ovila. Ovila, décida-t-elle, pouvait bien aller paître. Elle s’était abstenue de parler de ses histoires sentimentales avec Antoinette. Celle-ci avait bien essayé de lui tirer les vers du nez, mais Émilie s’était contentée de lui dire qu’une maîtresse d’école ne pouvait se permettre «ce genre de choses».
Le mois de décembre avait été particulièrement clément cette année-là. Il était bien tombé un peu de neige, mais si peu que les gens roulaient encore en calèche. Émilie avait bouclé ses valises et quitté l’école le vingt-trois décembre avec son frère. Ils s’étaient arrêtés au village pour saluer Antoinette. Émilie était descendue, seule, demandant à son frère de l’attendre, ajoutant qu’elle n’en avait que pour quelques minutes. Antoinette lui avait ouvert la porte, heureuse de la voir et de lui souhaiter de joyeuses Fêtes. Heureuse aussi qu’Émilie ne l’ait pas oubliée.
«Tiens, Antoinette, je t’ai apporté un p’tit quelque chose pour le Nouvel An.
— Pour moi? fit Antoinette à la fois émue et étonnée.
— Pour toi. »
Antoinette prit la boîte qu’Émilie lui tendait. Elle la serra sur son cœur, passa sa main dessus à plusieurs reprises avant de se décider à l’ouvrir. Émilie trépignait d’impatience.
«Cesse de flatter la boîte comme si c’était un chat pis ouvre-la. »
Antoinette l’ouvrit enfin. Elle éclata en sanglots. La robe bleue! La belle robe bleue! Les Trudel, chez qui elle habitait, s’extasièrent. Antoinette avait déplié la robe et la tenait devant elle.
«Tu l’as toute réparée!
— Tu parles. J’ai rétréci les épaules, pis raccourci les manches, pis enlevé huit pouces du bord. Crains pas, ma fiIle, j’avais eu le temps en masse de voir où qu’il fallait que je l’arrange.
— Compte sur moi pour arrêter de grandir! Si tu penses que j’vas me passer de cette robe-là pour un ou deux pouces (le plus! Je suis un p’tit bout de quatre pieds onze, pis j’ai l’intention de le rester, même si à côté de toi, j’ai l’air d’une naine. »
Les deux amies s’étaient quittées la larme à l’œil. Antoinette, parce qu’elle n’avait pu donner qu’un sachet d’herbes odorantes à Emilie, Emilie parce qu’elle avait vraiment fait plaisir à Antoinette.
21 .
La maison était sens dessus dessous. Célina avait consacré d’interminables heures à la préparation du réveillon. Ce réveillon était plus que spécial. Il devait souligner la Noël, le vingtième anniversaire d’Emilie et ses fiançailles. Ses filles l’avaient aidée le plus possible, même si tous ces préparatifs lui avaient redonné une énergie depuis longtemps perdue. A la demande d’Emilie, la petite fête qui suivrait la messe de minuit devait se faire en famille. Caleb, qui aurait bien aimé fiancer son aînée avec ostentation, s’était incliné. Emilie semblait radieuse. Elle montra sa robe à sa mère et ses sœurs et leur demanda si elles croyaient qu’elle pouvait la porter en été. Célina lui répondit qu’à son avis, elle serait fort convenable pour les soirées fraîches. Emilie sourit. Elle n’avait parlé à personne du projet qu’elle et Henri caressaient pour le voyage de noce. Elle porterait cette robe sur le pont du paquebot. Elle regretta un peu ne pas avoir la bleu pâle, mais celle-ci était aussi jolie quoique d’apparence un peu moins désinvolte.
Henri, comme il l’avait promis à Émilie dans sa dernière lettre, arriva à Saint-Stanislas quatre heures avant la messe de minuit. Il fut accueilli à bras ouverts. Émilie fut étonnée de remarquer son strabisme. Il lui avait semblé, lors de leur dernière rencontre, qu’il n’était plus aussi apparent. Henri avait un énorme paquet sous le bras. Il demanda discrètement à Célina de le cacher quelque
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