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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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vers la cuisine quand elle prit conscience qu’elle avait complètement oublié de remercier Henri. Elle le fit avec un peu moins de cœur qu’elle aurait souhaité. Henri lui répondit que ce qu’il avait fait n’était que «normal».
    Émilie était montée dans la carriole d’Henri et avait invité ses sœurs à se joindre à eux. Elles avaient chanté des cantiques de Noël tout au long du trajet. Henri avait bien essayé de se joindre à elles, mais tout le monde avait éclaté de rire au son de sa voix on ne peut plus fausse. Émilie l’avait taquiné en lui disant qu’il avait fait un bon choix de carrière en préférant l’enseignement à la vie de chanteur d’opéra. Henri n’avait émis qu’un petit grognement, mais Émilie sut qu’elle l’avait blessé dans son orgueil.
    A l’offertoire, Henri avait passé une magnifique bague à diamant au doigt d’Émilie. S’il avait eu l’œil pour la grandeur du chapeau, il s’était trompé pour la bague. Elle était beaucoup trop grande et Émilie dut l’enlever de crainte de la perdre. De retour à la maison, il lui avait donné un autre cadeau, «son vrai cadeau des Fêtes»: une resplendissante broche représentant une tête de femme sculptée dans du camée. Émilie le remercia encore une fois, gênée de tant d’attentions si coûteuses. Ses parents lui remirent une jolie valise. Elle éclata en sanglots et se précipita dans sa chambre.
    «Quel cœur fragile, constata Henri quelque peu dérouté.
    —        Émilie a toujours été comme ça, répondit Caleb. Bien prompte, bien imprévisible, bien orgueilleuse, bien coléreuse, bien têtue...
    —        Voyons donc, Caleb, l’interrompit Célina. Faut pas exagérer. Émilie est juste émue d’avoir tant d’attentions. Vous pensez pas, Henri?»
    Henri acquiesça. Mais le comportement d’Émilie l’inquiétait. Elle avait beaucoup changé depuis leur dernière rencontre. Avait-il écrit quelque chose dans ses lettres qui aurait pu choquer son âme sensible?
    Émilie était revenue. Elle avait fêté allègrement, toute trace de chagrin évanouie. Célina, elle aussi, s’était beaucoup amusée et était restée debout jusqu’à l’aube. Toute la famille — sauf Caleb qui était allé traire ses vaches — s’était couchée après que le soleil eut montré que la journée serait sans nuages. Une belle journée de Noël.
    Caleb n’avait pas voulu d’aide ce matin-là, préférant être seul pour réfléchir, comme il le faisait si souvent, au milieu de la chaleur que dégageaient ses animaux. Il avait trait ses vaches, la main nerveuse et sèche. Ses vaches avaient manifesté leur désapprobation en donnant quelques coups de pattes, plusieurs coups de queue et l’une d’elles avait même exprimé son mécontentement en renversant une pleine chaudière de lait chaud et mousseux.
    «Maudite Joséphine!»
    Caleb avait finalement trait sa dernière vache, replié sur les trayons certes, mais davantage sur ses pensées. Il avait peur. Pas une peur comme celle qu’il avait connue lorsqu’un bœuf l’avait forcé à courir et à sauter une clôture, mais une autre sorte de peur. Il avait peur pour Émilie. Jusqu’à la veille encore, il avait été très entiché d’Henri Douville. Et puis, sans savoir pourquoi, il avait trouvé que Douville lui faisait trop penser à un cul de poule. Il voyait mal comment sa fille, fringante comme un animal de race, pouvait passer sa vie aux côtés d’un homme dont elle devrait laver et empeser les chemises à tous les jours. C’est qu’il suait, le bougre. Caleb l’avait remarqué.
    Il savait qu’il avait été maladroit pour faire comprendre à Emilie qu’elle pouvait reporter ses fiançailles d’une autre année. Attendre qu’elle ait ses vingt et un ans. Il savait aussi qu’Emilie jouait un jeu. Il la connaissait si bien. Le cœur lui faisait mal de voir qu’elle courait à son malheur.
    La porte de l’étable s’ouvrit. Caleb se retourna. C’était Emilie. Il lui demanda ce qu’elle faisait là.
    «J’étais pas capable de dormir. Ça fait que je me suis dit que vous deviez être encore ici à jongler.
    —        As-tu l’impression que j’ai des raisons de jongler?
    —        Oui. J’avais même pas besoin d’être dans l’étable, moi, que je jonglais aussi.
    —        As-tu l’impression qu’on jonglait à la même affaire?
    —        Ça dépend. Moi je jonglais à mon

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