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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pas répondre. Il comprenait d’ailleurs que le roi déchu fût allé demander l’aide d’un prince d’Aquitaine qui passait pour un homme de guerre accompli.
    –  Quel jour sommes-nous ? Je ne sais plus comment je vis.
    –  Ah ! Ah ! ricana Calveley, votre danseuse vous a tourné la tête. Comme Guesclin, vous avez confondu Séville avec Capoue. Nous sommes le lundi 24 août.
    –  Tudieu !
    –  Hé oui. Un conseil : fourbissez vos armes, votre armure et dites à vos compères d’en faire autant. Réapprenez à vos chevaux à vous supporter en selle.
    –  Je vous rends grâce, Hugh, de me rappeler à mes devoirs.
    –  Si j’étais vous, je partirais de nuit et devancerais l’armée d’un ou deux jours… Elle n’est pas, semble-t-il, fille à vous laisser partir aisément… Il y a du mérite, parfois, à fuir comme si l’on avait le diable… ou une diablesse à sa poursuite !
    Sitôt qu’il se fut éloigné de l’Anglais. Tristan avala son sourire.
    « Il a raison, mais il faut être un couard pour agir comme il me le conseille. »
    Il revint le soir à Las Delicias. Francisca dansait déjà. Ses castanuelas crépitaient avec rage. Il savait que le mâle de ces instruments se tenait à dextre et donnait la cadence tandis que la femelle , à senestre, n’avait qu’un rôle d’accompagnement. Or, le mâle semblait d’une fureur extrême.
    La danseuse ne fit guère attention à sa présence. Sans doute une de ses amies pourvue d’un guerrier de France ou d’Angleterre l’avait-elle informée du proche départ de l’armée. Abandonnant ses castagnettes et sa danse, elle chanta, fait inhabituel, une chanson assez lente d’une voix quelque peu criarde et cependant comme appauvrie :
    Tus ojos para soles
     Son muy pequenos ;
     Para estrellas son grandes ;
     Seran luceros
     Es la chipé que son las Sevillanas
    Lo que hay que ver
     Lo que hay que ver son Sevillanas
    Mi corazôn volando
     Se entré en tu pecho
     Le cortaste las alas ;
     Se quedô dentro
    Es la chipé que son las Sevillanas
     Lo que hay que ver
    Lo que hay que ver son Sevillanas 138
    De retour dans sa chambre, sans qu’elle eût dit un mot depuis sa sortie de la maison de danse, Francisca se laissa choir toute vêtue sur son lit.
    –  Non, dit-elle quand il voulut procéder à son déshabillage, comme elle le lui demandait certains soirs. Laisse-moi. Va-t’en. Maintenant ou plus tard, il nous faut en finir.
    Ses yeux trop luisants trahissaient plus de fatigue que de chagrin. Son haleine chaude sentait le vin. Le désordre de sa coiffure dont les mèches rayonnaient sur l’oreiller comme les flèches sinueuses d’un petit soleil noir ne rendait que plus pâle son visage mouillé d’une sueur inhabituelle. Mieux qu’elle ne le percevait peut-être, Tristan sentit que leur amour atteignait son crépuscule. La veille, à Las Delicias, il l’avait contemplée, comme toujours, en se merveillant qu’elle fut ce qu’elle était : une femme doublée d’un génie de la danse. La nuit lui avait été propice. À l’aube, contrairement à son attente, une sorte de chasteté avait empli tous les mouvements, tous les propos de Francisca. Ses battements de cils n’essuyaient pas des larmes : ils tamisaient des lueurs mauvaises. Alors qu’elle passait toujours un temps infini à lustrer ses cheveux, elle les avait gardés en friche, et c’était à peine si elle avait procédé à ses ablutions et soins coutumiers après l’avoir prié de se tourner face à la fenêtre. Or, il la connaissait par cœur, par corps ; il eût même pu ajouter : par âme. Cependant, il s’était soumis à cette injonction, mais son déplaisir d’être traité ainsi avait développé la gêne d’être en présence d’une femme acharnée à recouvrer tous ses aises. Elle se réjouissait, elle, de le voir obéir. Il semblait qu’elle eût pris sur lui une revanche dont le mobile lui échappait.
    Ils dormirent, cette nuit-là, comme frère et sœur. Dans la matinée, après une toilette tout aussi sommaire que la veille, Francisca l’entraîna dans une petite église vide, puante mais chargée d’or comme une vieille mendiante qui se fût entêtée à résister au voisinage des sanctuaires maures, juifs et chrétiens. Ils s’age nouillèrent face au Christ et Tristan entendit sa danseuse implorer d’une petite voix de feutre :
    –  Dignâos señor, bendecir a îodos mi parientes, bienhechoras, amigos y enemigos ;

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