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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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à l’instigation des prélats et des clercs.
    « C’est lui  », se disait-il. «  C’est lui et il m’a vu ! »
    Quand la dislocation eut lieu, il galopa sous des huées, traversa une partie de Burgos déserté, franchit une porte et poussa Alcazar jusqu’à ses compagnons. Paindorge se saisit des rênes du cheval.
    –  Comme vous êtes pâle, dit-il. Vous l’avez vu, j’en suis sûr.
    D’un hochement de tête, Tristan loua la perspicacité de son écuyer.
    –  Je crois que je l’ai vu et j’en ai de l’angoisse.
    –  Çà ! dit Lemosquet. De l’angoisse ?… Non, messire. La honte seulement vous tourmente le cœur… Pour moi, vous n’avez aucune raison d’en avoir.
    –  Pour moi aussi, dit Lebaudy en menant Alcazar dans le gîte qu’une palissade de branches mortes séparait de Carbonelle. Et si j’étais vous, pour me guérir de ce mal-là, j’irais sans plus tarder rencontrer ce vieillard.
    –  Aller devant le vieux Juif. Lui dire : «  Par faiblesse involontaire, par présomption et persévérance il me semble avoir participé à ce double crime. Je m’en repens et m’en repentirai toujours. Me voici devant vous ; jugez, étrillez-moi ! » Auriez-vous, tous, ce courage ? !
    Il vit des têtes basses et un rire le prit qui les offensait tous et l’offensait lui-même. Alors, sans plus parler, il leur tourna le dos. Au loin, les campanes de la cathédrale carillonnaient avec furie. Tout Burgos frémissait d’une joie fallacieuse.
    –  J’y vais !
    Incapable de contenir la rage qui le hantait, Tristan  revint vers la cité. Il semblait qu’il marchait à son châtiment, qu’il allait vaillamment au-devant de l’opprobre. Quand les cloches se turent, il frissonnait toujours comme sous le souffle d’un vent de mort.
    *
    Il marchait d’un pas lent et résolu. Il était détenteur d’une cause perdue, de celles qui souvent se composaient de toute la foi, toute la compassion, toute l’espérance et tout le vasselage 151 humains. Il se disait que les causes gagnées, au contraire, ne pouvaient que susciter l’orgueil, l’ambition à retardement et des appétits aussi insatiables qu’inavouables. Dans les premières, les vertus de l’homme se révélaient ; dans les secondes, toutes les passions sordides pouvaient éclore.
    Il allait à contre-courant de la foule qui, maintenant, s ’éparpillait vers les échoppes copieusement garnies en vins, cervoise, mangeaille et dont le charivari commençait. Tous ces gens égayés ne l’indisposaient pas : leurs paroles, leurs chants, leurs rires ne pouvaient l’atteindre. Si quelques-uns le heurtaient intentionnellement ou non de l’épaule, il leur pardonnait. Pourtant, lorsqu’une main le saisit par un coude, il se regimba et fit front, la dextre toute prête à saisir son épée.
    –  Je t’observais, dit frère Béranger. Je t’observe depuis longtemps… de loin… Ta tristesse m’afflige. À Séville, tu avais ren contré, absorbé gaiement l’antidote… Je devine – n’est-ce pas ? – que tu portes toujours le deuil de ces deux Juifs.
    Il n’y avait aucune commisération dans cette question mais plutôt une déception immense. « Pourvu », souhaita Tristan, « qu’il ne renouvelle pas son sermon ! » Il revoyait l’homme en froc de bure se dépensant par la voix, le geste, la prière lors de l’assaut de Briviesca. S’il n’avait osé porter des fagots, il avait jubilé 152 lorsque Guesclin avait bouté le feu à l’église. Les hurlements qui en fluaient n’étaient point ceux de Burgos en fête.
    –  Leur mort m’afflige encore, mon père. C’étaient des enfants purs.
    –  Un Juif, mon fils, ne saurait être pur. C’est un être indéfendable.
    Tristan, d’une secousse, éloigna la main pliée sur son épaule.
    –  Et la charité chrétienne, mon père ? Et l’amour du prochain ?… Qu’en faites-vous ?
    La dextre du clerc s’envola au-dessus de sa tonsure comme s’il y rajustait une auréole dérangée par un coup de vent. Il ne se sentait ni concerné ni troublé.
    Depuis qu’il vaguait en Espagne, sa face glabre s’était arrondie, – comme son ventre – et colorée. Sa bouche s’était durcie, flétrie, bien que sa lippe fut demeurée même. Dans son regard passaient des feux d’enfer ceux des cités embrasées avec sa bénédiction et celle de ses compères en froc de bure toujours lointains lors des chevauchées mais ô combien présents lors des

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