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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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se déroula, montrant un ventre sans doute verdâtre, à moins qu’il ne fût bleu.
    –  Prenez garde !
    –  N’aie crainte, Robert.
    On disait que les bêtes de cette espèce savaient obnubiler leurs victimes. Atteint d’une inquiétude répulsive, Tristan imagina l’étreinte d’un tel monstre et, dans la large mâchoire, ses redoutables crochets. La fin d’un homme broyé, mordu, devait être lente, infernale. Si, pour tous les animaux invisibles de cette forêt, la pénétration de l’armée avait été le signal d’une retraite sans doute précipitée, ce serpent refusait de reconnaître que les hommes qui venaient d’apparaître étaient des prédateurs dont il n’avait pas lieu de se soucier. Il dressait la partie antérieure de son corps, tirait, avalait, tirait encore sa langue vibrante, se dodinait, semblait bâiller, vigilant et indolent à la fois. Il y avait une sorte de sorcellerie dans l’expression de sa force et de sa menace.
    –  Il se débouche, dit Paindorge. Il va s’en prendre aux chevaux. Reculons encore, compères. Oubliez pas : muerto el cavallo  perdido el hombre de armas, comme ils disent !
    L’angoisse de Tristan grandissait. Des frissons montaient de ses reins à son cou. Sa gorge se nouait. Cinq ou six enjambées le séparaient du monstre. Il se hâta de mettre pied à terre et de tirer Teresa du fourreau. Alcazar frémissant recula de lui-même tout en hennissant d’une façon triste, inhabituelle.
    « Que vais-je faire ? » se demanda Tristan.
    Il y avait quelque chose de fascinant dans la façon dont le serpent l’observait. « Un python », se dit-il. « Pareil, sans doute, à celui qui fût occis par Apollon ! » Qui lui avait enseigné cette légende ? Comment Apollon s’y serait-il pris maintenant ? « Celui-ci n’a pas cent têtes et ne vomit pas des flammes, mais il mesure plus de deux toises… Au moins trois, si ce n’est quatre ! » Immobile, il s’effrayait, tous ses muscles en éveil et sans que la présence d’un acier de qualité dans sa main parvînt à le rassurer. « Apollon a percé le sien de moult sagettes. Si Shirton était là, il nous aiderait. » Mais il était seul et cette impassible vouivre s’apprêtait à l’étreindre. Capable de l’écraser dans des convulsions et des tortillements irrésistibles…
    –  Prenez votre lance, messire. Je vais la retirer du bât de Carbonelle.
    C’était une excellente idée, mais le serpent sinuait sans crainte. Jamais Tristan n’avait imaginé un reptile aussi long, aussi gros. À Castelreng, il avait appris, enfant, que son père et ses hommes avaient essayé de découvrir et d’occire «  uno serpo  » qu’ils disaient immense, mangeuse de chiens et de moutons. La rumeur lui donnait pour gîte une marnière. Jamais on ne l’avait débusquée, si bien qu’on l’avait crue imaginaire plutôt que de penser qu’elle était morte ou s’en était allée. Mais une fillette qui s’était aventurée dans la marnière pour y ramasser des champignons avait disparu ; puis une jouvencelle. Pour aller œuvrer sur leurs terres, les hommes et les femmes n’étaient plus sortis qu’avec des couteaux affilés fixés au bout d’un bâton, et les soudoyers avec leurs armes d’hast. Et l’on avait signalé la serpo un peu partout – à Roquetaillade, Bouriège, Conilhac et, évidemment, la Serpent. Jamais on ne l’avait vue ; jamais, d’ailleurs, on n’avait relevé sa trace. Eh bien, elle était là, devant lui, menaçante. Un effrayant affrontement s’ébauchait.
    « Si j’avais ma Floberge ! »
    L’épée de Vézelay, celle qu’il avait robée, jadis, au saint Michel de la basilique… Comme c’était loin !
    Il ne pouvait reculer. Il devait trancher, tronçonner ce répugnant présomptueux. Comment ?
    Il se trouvait dans une sorte de cul-de-sac. Devant, le serpent. Derrière, tout proches, les chevaux dont l’effroi accroissait les souffles, et les hommes moins attentifs qu’angoissés. Il fallait renoncer à s’empêtrer à dextre ou à senestre dans des herbes redoutables, elles aussi.
    L’hésitation de Tristan fournit au serpent le temps de se dresser davantage : il éleva sa tête à trois ou quatre pieds du sol et la porta promptement en avant pour frapper plutôt que pour mordre l’audacieux qui le défiait.
    Tristan sauta en arrière et sentit dans son dos le museau d’Alcazar.
    Au moment même où se passait cette retraite préventive, le

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