Les foulards rouges
quelques-uns
tout de même, dont monsieur le duc de La Rochefoucauld.
Le salut du prince vint d’ailleurs, et presque
par surprise.
Le royaume des Lys, en décomposition, dégageait
une forte odeur de charogne qui attira le duc de Lorraine, aristocrate
mercenaire commandant une armée « privée » de huit mille hommes très
expérimentés.
Charles de Lorraine étant d’une nature fort
corruptible, le roi d’Espagne lui offrit très bonne récompense s’il allait
soutenir monsieur le prince de Condé.
Le duc de Lorraine s’empressa d’accepter… puis
pareillement s’empressa de négocier avec la Cour.
Sous des dehors frustes et brutaux, qu’il
cultivait à plaisir, Charles de Lorraine dissimulait une grande finesse, et du
sens politique.
Ainsi, pour bien montrer sa situation d’arbitre,
et qu’on ne pourrait rien faire sans lui, fit-il attendre plusieurs heures
messieurs de Condé, Nemours, La Rochefoucauld, Beaufort et pas loin d’un
millier de gentilshommes qui s’en étaient venus l’accueillir au Bourget.
À la très belle duchesse de Montbazon, qui le
pressait de soutenir la Fronde, il répondit :
— Dansons plutôt, madame.
Et lui joua un air de guitare.
Au tout-puissant cardinal de Retz, qui l’entretenait
de vastes projets guerriers, il récita des patenôtres en sortant son chapelet
et en précisant que, si les religieux exerçaient à présent sa profession, il s’en
allait, lui, faire leur métier.
Ainsi était Charles IV de Lorraine, qui
continuait en secret à négocier avec la Cour.
Ni Mazarin, ni le duc de Lorraine ne
souhaitaient un affrontement direct de leurs armées, au reste d’égales valeurs.
Sans doute monsieur le maréchal de Turenne l’eût-il cependant emporté de
justesse mais alors ses troupes diminuées et épuisées n’auraient plus constitué
une menace pour monsieur le prince de Condé qui, en son habituelle promptitude
à se concilier l’événement, les eût aussitôt attaquées.
En cet instant délicat, le duc de Lorraine eut
une idée qui contentait tout le monde : il retirait sa puissante armée si
le roi Louis acceptait de lever le siège devant Étampes où se trouvait enfermée
l’armée de la Fronde.
L’accord se fit.
Charles IV, duc de Lorraine, se retira
donc très satisfait. Ayant libéré l’armée de messieurs les princes, il
empochait l’or de l’Espagne qui aurait préféré son intervention directe mais ne
pouvait nier qu’il eût, en cette occurrence, aidé monsieur le prince. D’un
autre côté, le roi lui rendait deux de ses places fortes confisquées et
promettait de restituer les autres une fois la Fronde écrasée.
Cependant, pour ceux qui voyaient un peu plus
loin, ce combat diplomatique ne s’achevait point par une égalité de
contentement.
En effet, alors qu’il pensait possible l’entrée
en guerre aux côtés de la Fronde de la redoutable armée du duc de Lorraine, Mazarin
en avait appelé aux seigneurs de province fidèles à la personne du roi.
Et, venus de tout le pays, certains
répondirent aussitôt à l’appel, tel le maréchal de La Ferté qui amena trois
mille hommes de troupes fraîches à monsieur de Turenne qui ne cacha point son
contentement.
À présent, l’armée royale se trouvait très
supérieure en nombre à celle de la Fronde et, pour ne rien arranger à la
situation de celle-ci, les différentes armées avaient causé grands dommages
autour de la capitale, au point que la moisson fut perdue.
Outre l’armée royale, un spectre hantait les
Condéens : la famine en la ville de Paris et ses Faubourgs.
62
On avait trouvé un autre cadavre de femme
écorché et décapité mais, cette fois, le corps était grossièrement enterré en
un jardin proche de la Porte Saint-Martin et c’est en s’étonnant de la présence
de ce tertre qu’un vieillard, y creusant par curiosité, fit cette macabre
découverte.
Jérôme de Galand s’en inquiétait, obsédé par
la peur de ne point comprendre la logique – fût-elle folle – qui menait les
actes de l’Écorcheur. Car ainsi était le policier, imaginant qu’à bien connaître
un assassin, on multiplie les chances de le capturer tôt ou tard.
Qu’arrivait-il en l’esprit de l’Écorcheur ?
Jusqu’à voici peu, son plaisir semblait se
prendre en l’acte même d’écorcher vive une jeune femme et se doubler en
exposant le corps à la vue de tous.
Ne prendrait-il que la moitié de son
contentement, en enterrant ainsi ses
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