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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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l’administration spirituelle de
la prison aux prêtres de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Catéchisme, prières matin
et soir… Feu le roi avait promis trois cents livres par an aux prêtres mais il
semble que ceux-ci n’en aient point vu l’ombre, ce qui aurait ralenti leur
ferveur ces dernières années.
    Nissac descendit de cheval, aussitôt imité par
ses compagnons.
    — Je n’aime guère cet endroit. Qu’y
avez-vous vu ?
    — Bien étrange population ! répondit
Le Clair de Lafitte tandis que Frontignac, plus précis, ajoutait :
    — Quelques-uns nous ont intéressés, parfois
étrangement. Nous avons de la chance, monsieur le comte, la prison est pleine
et allait bientôt être vidée par un départ de la chaîne pour Marseille. Nous
avons entendu cent quarante-cinq des futurs galériens. Beaucoup cherchaient à
nous plaire car ils sont terrorisés à l’idée de ce voyage à pied jusqu’à
Marseille et de la vie misérable qui les attend sur les galères.
    — Ce voyage, c’est donc si effrayant ?
    — En effet, monsieur le comte. Ils sont
enchaînés deux à deux par le col, une autre chaîne passant par un anneau entre
la première et la dernière paire d’hommes afin de les enchaîner tous ensemble. Ils
sont également tenus par une troisième chaîne allant de la taille à la cheville.
Tout cela est riveté à froid, à coups de masse. En tout, cela représente près
de quatre-vingts livres [7] de chaînes par homme, jusqu’à Marseille, à pied par les chemins boueux
où ils enfoncent jusqu’à mi-corps, s’ajoutant aux poux, à la gale…
    Nissac et Frontignac échangèrent un regard qui
échappa aux deux autres.
    Puis, sans un mot, Nissac se dirigea vers l’entrée
du château.
    Les prisonniers
avaient en commun une peau sèche, un visage blafard, un teint plombé. Ils
dégageaient une odeur de sueur rancie.
    Aucun des huit premiers qu’on présenta à
Nissac ne lui donna satisfaction. Assis derrière une table avec ses trois
compagnons, il se leva brusquement, refoula un prisonnier sur le point de se
présenter et marcha de long en large, mains derrière le dos ; l’air tourmenté.
Enfin, il s’immobilisa devant son fidèle lieutenant :
    — Mais enfin, Frontignac, nous ne pouvons
espérer quoi que ce soit de ces hommes !… Des déserteurs aux visages
veules !… Des petits voleurs !… Un bigame !… Un sodomite !…
Un greffier véreux !…
    — Au moins ceux-ci ne sont-ils point
malades, monsieur le comte.
    — Vous voyez des malades partout !
    Amené sur un sujet qu’il affectionnait, Frontignac
se lança aussitôt avec grand plaisir :
    — Mais j’ai écarté ceux qui souffraient
de coliques nauséabondes, ceux dont l’estomac se désorganise en humeur et
inflammations, les pustuleux, les…
    — Ah, il suffit, Frontignac ! Instruisez-moi
plutôt du cas suivant, celui que j’ai refoulé et dont le visage farouche, ma
foi, m’a fait bonne impression.
    Frontignac consulta une liste et son
expression se fit plus soudain intéressée :
    — Ah, Anthème Florenty. Un faux saunier
de Touraine. Il n’a pas de sang sur les mains mais la contrebande du sel ne
peut lui laisser d’espérance. C’est en outre un récidiviste, qui était armé :
condamné aux galères à vie. Il faut dire qu’il fut traqué cinq ans avant que d’être
pris, ce qui irrita fort les juges. Il parle peu mais il me plaît.
    — Et toi, Melchior ? demanda Nissac
à Le Clair de Lafitte qui, voyant la soudaine bonne humeur du comte, s’exprima
sans retenue :
    — Il me plaît aussi. Endurants et
combattifs, les faux sauniers sont des pisteurs hors-pair. Celui-là pourra nous
être utile.
    Nissac hocha la tête et, du geste, invita
Maximilien Fervac à donner son avis :
    — Il me plaît également, monsieur le
comte, mais pour une tout autre raison.
    — Laquelle ?
    — À son procès, il n’a jamais livré ses
complices.
    Nissac ébaucha un sourire et vint se rasseoir
en disant :
    — C’est en effet une excellente raison.
    Anthème Florenty, trente
ans depuis août, était un homme aux cheveux très noirs, de petite taille mais
de constitution robuste.
    Devinant qu’il ne serait pas de bonne
politique de forcer l’homme, Nissac choisit de l’impressionner, ce qui réussit
fort bien :
    — Loup de Pomonne, comte de Nissac, lieutenant-général
de l’artillerie du prince de Condé.
    Florenty était un homme fier, de ceux qui ne
baissent pas facilement la tête,

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