Les foulards rouges
empêcher ou retarder l’aide de Paris aux Frondeurs
de Charenton ».
Dans la nuit du 6 au 7, un parti d’une
quinzaine de Condéens en civil, tous anciens du corps d’artillerie du général
de Nissac, arriva clandestinement par la rivière de Seine et fut hébergé à
Notre-Dame aux bons soins du duc de Salluste de Castelvalognes, général des
jésuites.
Le 7, dans la boue du dégel, l’artillerie de
la Fronde montait en ligne. À une heure de relevée, un détachement isolé qui
emmenait quatre pièces d’artillerie vers la ville de Charenton fut brutalement
attaqué par sept cavaliers. Quatre, Nissac, Frontenac, Fervac et Le Clair de
Lafitte, presque couchés sur leurs chevaux, chargeaient à l’épée. Le cinquième,
monsieur de Bois-Brûlé, effectuait de meurtriers moulinets avec une grosse
barre de métal. Un sixième, Anthème Florenty, fidèle à ses habitudes, avait
coincé les rênes entre ses puissantes mâchoires et tenait un pistolet en chaque
main, et deux autres à la ceinture. Le septième, Nicolas Louvet, auquel le
sévère entraînement au château avait révélé les secrets d’une arme qu’il ne
connaissait point, descendait de cheval, fichait une fourche en terre et
allumait la mèche de son mousquet qui touchait sa cible à tous coups.
L’attaque fut d’une violence inouïe, brève, meurtrière.
L’élan irrésistible.
Au premier passage des cavaliers, les
Frondeurs comptaient déjà neuf morts mais peut-être auraient-ils résisté
cependant s’ils n’avaient remarqué un point commun aux assaillants : tous
masquaient leurs visages, du nez au menton, avec des foulards rouges si bien
que la réputation des attaquants effraya autant, sinon davantage, que leur
redoutable savoir-faire.
Sans attendre un second passage, les Frondeurs
s’enfuirent à toutes jambes en abandonnant le terrain – et les canons ! – aux
Foulards Rouges.
Le lendemain, à la première heure du 8 février,
les fortes colonnes de la Milice dévouée à la Fronde s’ébranlaient depuis la
place Royale. En tout, près de huit mille fantassins et cavaliers, l’élite de
la Milice parisienne à laquelle il ne manquait aucun colonel ni autre officier,
ce qui indiquait assez le grand prix attaché à l’entreprise.
L’armée frondeuse approchait Charenton lorsque
sa cavalerie fut prise à partie par le tir d’artillerie redoutablement précis
et meurtrier de ce qui semblait un détachement condéen comme tombé du ciel
entre la ville de Charenton solidement tenue par la Fronde sous les ordres de
monsieur de Clanleu, et l’armée frondeuse sortie de Paris pour voler au secours
de Charenton.
La batterie rebelle bloqua net la progression
des Frondeurs, ajustant son tir sur les détachements qui tentaient de la
prendre par les ailes. Puis elle disparaît aussi soudainement qu’elle était
apparue, laissant un doute et une appréhension au cœur des gens de Fronde.
Pendant ce temps, avec sept mille fantassins
et quatre mille cavaliers, le prince de Condé fondait sur Charenton, se
heurtant aussitôt à une résistance acharnée, bien plus vive qu’il ne l’escomptait.
Là où se déroulaient les corps à corps, on
pataugeait dans le sang.
Bertrand de Clanleu, qui commandait la place
de Charenton pour la Fronde, se battit comme un lion et fut tué en disant qu’il
préférait cette mort à celle, combien plus ignominieuse, qu’il eût sans doute
trouvée sur un échafaud s’il s’était rendu.
Du côté de l’armée royale, le duc de Chatillon,
arrière-petit-fils de l’amiral de Coligny, trouva également la mort alors qu’il
chargeait, l’épée à la main.
À Charenton, les Frondeurs se défendaient pied
à pied, ne comprenant point pourquoi les Frondeurs de la place de Paris ne
venaient pas les épauler puisque leurs forces conjuguées totalisaient deux
mille hommes de plus, et en troupes fraîches, que celles de l’armée du prince
de Condé.
Comment auraient-ils pu savoir qu’une nouvelle
fois, la « batterie fantôme » judicieusement installée sur une
éminence prenant sous son feu un carrefour de routes, bloquait net l’avance des
Parisiens ? En outre, un paysan affirmait que les artilleurs de la « batterie
fantôme », qui se déplaçaient à la vitesse du vent, avaient pour chefs
deux officiers portant foulards rouges sur le visage tandis que cinq autres
Foulards Rouges, à cheval, l’épée ou le pistolet à la main, montaient bonne
garde autour des
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