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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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celui qui lui déroba son cœur.
    — Vous oubliez cependant, madame, que si
je l’aime, je ne connais point ses sentiments.
    Elle tourna son visage vers lui. Leurs lèvres
se trouvaient dangereusement proches.
    — Elle vous aime, monsieur.
    Le comte raffolait de cette situation nouvelle
et délicieuse où l’on sait sans formellement savoir que l’hypothèse la plus
merveilleuse est finalement la bonne, où les yeux disent ce que les lèvres
taisent, où le cœur jette à pleines poignées le bonheur en votre âme.
    — Je n’en ai guère de preuves, madame, et
puis certes le supposer tout à l’effroi de découvrir un jour que je me suis
abusé et me retrouver à jamais le cœur en deuil.
    Très délicatement, Mathilde posa ses lèvres
contre celles du comte.
    — Elle vous aime, vous dis-je, et bien
plus que sa propre vie.
    — Vos lèvres sont glacées ! répondit-il
en l’embrassant de nouveau, mais avec plus de violence. Puis, sa main gantée de
velours marine appuya délicatement la tête de la jeune femme contre son épaule
où elle s’abandonna tout à fait.
    Il savait qu’il ne franchirait pas la porte de
la maison en la rue Neuve-Saint-Merry, par respect pour elle, et que l’amour
absolu exige des preuves qui ne le sont pas moins, quoi qu’il en coûte.
    Elle n’ignorait point que le comte agirait
ainsi et s’en trouvait touchée, souffrant, cependant, du souvenir de la nuit où
elle se révéla femme et découvrit le bonheur avec tout ce qu’il draine de peurs
et d’angoisses, de difficultés et d’incertitudes ; oui, elle souffrait de
ne pouvoir s’allonger au côté de son comte bien-aimé et pensait cependant, tout
comme lui, qu’il fallait attendre encore et que cette attente était déjà un peu
du grand bonheur auquel elle se croyait promise…
    Un mendiant, pauvre gueux très âgé qui n’avait
trouvé d’autre refuge que l’abri d’une porte cochère, regarda avec des yeux
arrondis l’image étrange qui apparaissait tout soudainement devant lui.
    Cela ressemblait à un rêve…
    Un paysage de neige, de vieilles maisons à
colombages, un cheval très haut, noir comme le diable et dont le corps fumait, une
femme adorable et frêle abandonnée sur l’épaule robuste d’un cavalier, homme
puissant au dur visage de conquérant, qui enveloppait sa compagne d’une longue
cape noire, les mains fortes gantées de velours marine qui tenaient les rênes, la
fine et longue épée au côté et un feutre marine surmonté de longues plumes d’une
blancheur de cygne et d’un rouge couleur de feu crépitant.
    Ceux-là s’aimaient beaucoup ! Ils s’aimaient
à faire peur. Peur pour eux, que tous jalouseraient, ou peur de cette vie qui
donne ou ne donne point l’amour sans distinction de rang et de fortune, seule
forme de justice – avec la mort – qui soit en le monde aujourd’hui, et en les
siècles des siècles.
    Oubliant un instant ses chagrins, le vieil
homme s’avança et dit au couple qui déjà le dépassait :
    — Soyez heureux !… La vie est si
courte, courte comme un rêve… Et que Dieu vous bénisse !
    Le ténébreux cavalier au chapeau à plumes, sans
même se retourner, lança quelque chose par-dessus son épaule. Une véritable
pluie de pièces d’or. Mais le geste était si adroit, si exceptionnellement
précis, ou la main guidée par Dieu ou diable, que les pièces retombèrent en
formant comme un cercle magique autour du malheureux, un cercle absolument
parfait, un cercle d’or qui allait enfin changer sa vie et le mettre à l’abri
du froid, de la faim et de la peur…

31
    En général d’artillerie avisé, à moins que ce
ne fût en rusé chef de bande, le comte de Nissac avait parfaitement préparé l’opération.
    Il savait, de source sûre, que l’armée de
monsieur le prince de Condé attaquerait Charenton le 8 février 1649 à l’aube
avec pour objectif d’emporter la ville sans coup férir.
    D’autre part, il n’ignorait pas que les
généraux de la Fronde faisaient de Charenton un symbole de résistance qu’il
fallait défendre coûte que coûte. Dès lors, il semblait logique de prévoir que
la bataille serait acharnée, son issue longtemps incertaine et le bilan, un véritable
carnage.
    Le cardinal, d’une grande nervosité, et le
prince de Condé, qui ne l’était pas moins, avaient insisté auprès de Nissac
pour qu’il les aidât dans cette bataille décisive « par quelque moyen qui
lui semblerait convenir pour

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