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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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dit-il.
    â€” De la tarte à quoi   ?   » demandai-je. Tout en pensant   : pourvu qu’elle ne soit pas aux cerises.
    Â«   Aux cerises, répondit-il. Elle sort tout juste du four. Ça disparaît très vite. Elle est fameuse, en vérité.   » Je dus faire une grimace, car il s’enquit, «   Ça va aller, monsieur   ? Vous avez l’air mal en point.   »
    Des gouttes de sueur perlaient sur mon front, et mes mains tremblaient. Je la voulais, cette tarte, jusqu’aux tréfonds de mon être. Je tamponnai mon visage avec une serviette de table, et déclarai au jeune homme que tout allait bien, que j’étais simplement un peu fatigué.
    Â«   Vous voulez de la tarte, ou pas   ?
    â€” Non, pas de tarte   !   » m’exclamai-je. Il posa l’addition et repartit dans la cuisine. Après avoir payé, je sortis pour nous réapprovisionner en nourriture. Fier de moi, je sifflotai en marchant. Un coq se tenait au milieu de route, prêt au combat   ; me découvrant, je le saluai et il détala dans les flaques d’eau, petite boule de muscles et de plumes sans cervelle.
    Comme ma poudre à dents s’épuisait, je demandai au patron du poste de traite s’il en vendait, et il me désigna une petite rangée de boîtes, chacune proposant une senteur ou saveur différente   : sauge, pin, menthe, et fenouil. Lorsqu’il me demanda laquelle je souhaitais, je lui répondis que je pensais reprendre menthe, car j’en avais aimé le goût jusqu’à présent, mais l’homme, qui ressemblait à un pigeon en gilet, insista pour que j’essaie les autres. «   Cela pimente l’existence   », dit-il, et quoique son attitude suffisante me rebutât, j’étais curieux des autres parfums. Je pris les boîtes et me dirigeai vers la cuvette dans l’arrière-boutique afin de goûter aux saveurs les unes après les autres, en prenant soin de ne pas abîmer les boîtes, de peur d’avoir à en acheter une qui ne m’aurait pas plu. De retour dans la boutique, je dis au patron   : «   J’ai bien aimé le pin, il procure une agréable sensation de propre. La sauge m’a brûlé la gorge   ; je ne l’ai guère appréciée. Le fenouil est épouvantable. Je vais reprendre menthe, comme je le disais.
    â€” C’est toujours mieux d’en avoir le cœur net   », dit-il, remarque d’une évidence quelque peu inepte et à laquelle je ne pris pas la peine de répondre. Outre la poudre, je fis l’emplette d’une livre de farine, d’une livre de café, d’une demi-livre de sucre, de deux livres de haricots, de deux livres de porc salé, et de deux livres de fruits secs   ; mon estomac gargouillait intensément. Je bus un grand verre d’eau et me dirigeai vers l’écurie, mon ventre glougloutant à chaque pas.
    Au moment où j’entrais, le garçon d’écurie venait juste de finir de ferrer le cheval noir. «   Je vous donne six dollars pour celui qui est bas de garrot, dit-il. C’est un dollar pour les fers, donc disons cinq dollars en tout.   » Je m’approchai de Tub et posai une main sur son museau. «   Bonjour   », lui dis-je. Je sentis qu’il me reconnaissait   ; il me regarda franchement, sans crainte ni méchanceté. Le garçon d’écurie se tenait derrière moi. «   Il va probablement perdre cet œil, me dit-il. Sera-t-il même capable de tirer un chariot   ? Je vous en donne quatre dollars.
    â€” J’ai décidé de ne pas le vendre, dis-je.
    â€” Six dollars, fers y compris.
    â€” Non, j’ai changé d’avis. Parlons plutôt du noir.
    â€” Sept dollars, c’est ma dernière offre pour le bas du garrot.
    â€” Que me proposez-vous pour le noir   ?
    â€” Trop cher pour moi. Huit dollars pour l’autre.
    â€” Faites-moi une proposition pour le noir, dis-je.
    â€” Vingt-cinq dollars.
    â€” Il en vaut cinquante.
    â€” Trente dollars avec la selle.
    â€” Ne faites pas l’idiot. Quarante, sans la selle.
    â€” Trente-cinq.
    â€” Trente-cinq sans la selle   ?
    â€” Trente-cinq, sans la selle, moins un dollar pour les fers.
    â€” Vous pensez que je vais payer les

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