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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick deWitt
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frère.
    En le regardant dérouler son couchage, j’eus envie de lui demander ce qu’il pensait au fond de lui. Je voulais tellement croire qu’il avait enfin pris une décision morale, mais je ne trouvai pas les mots justes pour m’exprimer, et j’avais peur de sa réponse   ; par ailleurs, j’étais épuisé, et à peine avais-je posé ma tête sur le sol que je plongeai dans un sommeil impénétrable.

 
    Ã€ mon réveil le soleil brillait sur mon visage, j’entendais couler la rivière, et Charlie n’était plus près de moi. Warm, un long bâton à la main, se tenait près du tas de cendres, comme s’il s’apprêtait à frapper quelque chose. Il désigna le crâne carbonisé de l’un des défunts frères et dit, «   Vous voyez ça   ? Maintenant, regardez.   » Il donna un petit coup sur le haut du crâne, et le visage entier se réduisit en poussière. «   Voici l’ultime récompense de l’homme civilisé.   » L’amertume que je percevais dans sa voix me poussa à lui demander, «   Vous n’êtes pas croyant, Warm, n’est-ce pas   ?
    â€” Non. Et j’espère que vous non plus.
    â€” Je ne sais pas si je le suis.
    â€” Vous avez peur de l’enfer. La religion se résume à ça, en vérité. La peur d’un endroit où nous préférerions ne pas être, et d’où il est impossible de s’échapper par le suicide.   »
    Je songeai, Pourquoi ai-je évoqué Dieu au saut du lit   ? Warm se retourna vers les cendres. «   Je suppose que le cerveau disparaît, médita-t-il. Sous l’effet de la chaleur il doit se réduire en eau, avant de s’évaporer. Rien qu’une volute de fumée, et le précieux organe s’éloigne dans la brise.
    â€” Où est Charlie   ?
    â€” Il est parti nager avec Morris.   » Warm trouva un autre crâne et lui infligea le même traitement qu’au précédent.
    Â«   Ils sont partis ensemble   ?   » m’enquis-je.
    Il regarda en amont et dit, «   Morris se plaignait de ses jambes et votre frère lui a suggéré de se baigner pour se soulager.
    â€” Depuis quand sont-ils partis   ?
    â€” Une demi-heure, dit Warm en haussant les épaules.
    â€” Vous voulez bien m’accompagner jusqu’à eux   ?   »
    Il accepta. Il n’était pas inquiet, et je ne voulais pas lui faire peur, mais j’essayai d’accélérer le pas autant que possible en lui faisant croire que j’avais trop chaud et que j’avais besoin d’un bain. Cependant, Warm n’était pas du genre à se presser   ; à vrai dire, il n’avait de cesse de s’interrompre pour examiner de près la moindre petite chose. Tout en enfilant ses bottes, il lança, «   Je me demande bien ce qui est arrivé à l’homme qui le premier a enveloppé ses pieds nus dans des feuilles ou dans du cuir. Il a sans doute été exclu de sa tribu, et émasculé.   » Il rit. «   Puis lynché à coup de pierres, et tué   !   » Je n’avais rien à ajouter, mais de toute façon, Warm n’attendait aucune réponse de ma part. Il poursuivit son discours tandis que nous nous mettions en marche   : «   Bien entendu, à cette époque, les gens devaient avoir les pieds sacrément calleux, donc s’ils avaient envie de se chausser, c’était plus pour l’apparence que pour le confort ou la nécessité, en tout cas dans les climats les plus tempérés.   » Il montra du doigt un aigle qui volait non loin de nous   ; lorsque l’oiseau piqua et attrapa un poisson dans la rivière, Warm applaudit.
    Ses jambes le faisaient souffrir, et je lui offris mon bras, qu’il saisit en me remerciant. Nos pieds s’enfonçaient dans le sable, et il me demandait de temps à autre si nous pouvions nous arrêter, et, même si je n’avais pas envie de traîner, je ne désirais pas non plus lui expliquer pourquoi je voulais me dépêcher. Mais Warm comprit   ; il gloussa et me dit, «   Vous n’avez pas totalement confiance en votre frère, n’est-ce pas   ?   » Étant donné les circonstances — notre affaire

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