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Les grandes dames de la Renaissance

Les grandes dames de la Renaissance

Titel: Les grandes dames de la Renaissance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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Louis XII et la jolie reine Mary d’Angleterre s’étaient installés aux Tournelles, ce château lugubre qui se trouvait sur l’emplacement actuel de la place des Vosges.
    Ils y menaient une curieuse existence. Le matin, le roi, exténué par des efforts nocturnes qui n’avaient pas toujours abouti, se levait d’une jambe molle, faisait quelques pas dans le jardin, puis s’allait recoucher, avec des gestes grelottants de vieillard.
    — Excusez-moi, douce amie, disait-il à Mary, je me sens las et vais rejoindre le lit. À tout à l’heure.
    Alors la reine, fort énervée par les entreprises malheureuses de son époux, s’habillait en hâte, traversait d’un pas rapide tout le château et allait s’enfermer dans une chambre lointaine. Là, elle se déshabillait, se mettait au lit et attendait quelques instants, l’œil brillant.
    Par une petite porte qui donnait sur une galerie discrète et peu fréquentée, entrait bientôt un souriant jeune homme. C’était le duc de Suffolk. Dévêtu en un clin d’œil, il allait rejoindre la reine et se livrait sur elle à de délicieuses voies de fait.
    Pendant des semaines, personne, à la Cour, ne soupçonna ce manège. On remarquait bien la présence assidue de Suffolk auprès du couple royal, mais les mauvais esprits étaient dans l’impossibilité d’en tirer des conclusions, attendu que le roi d’Angleterre, qui connaissait la liaison de sa sœur, avait pris la précaution de nommer le jeune duc ambassadeur à Paris.
    Mais, un jour, un officier de la reine, nommé Grignaux, qui se promenait dans la galerie dont j’ai parlé, entendit des cris étranges qui venaient de la chambre où les amants se trouvaient pour lors « fort oublieux du monde ». Très surpris, car il croyait cette pièce vide, il poussa la porte et entra. Ce qu’il vit lui coupa le souffle, et il rougit si violemment que son visage, nous dit-on, « en resta coloré durant quelques jours ». Il est vrai que le spectacle qui s’offrait à lui était bien fait pour bouleverser un honnête homme.
    Il se retira sur la pointe des pieds, sans avoir été vu, et regagna sa chambre, le feu aux joues, emportant, gravée dans sa mémoire, l’obsédante image de la reine entièrement nue.
    Gêné par ce qu’il avait involontairement découvert, Grignaux se demanda longtemps où était son devoir. Finalement, il écrivit à Louise de Savoie pour l’informer de ce qui se passait aux Tournelles. Il savait que la mère de François de Valois ne pouvait rester indifférente à cette nouvelle.
    En effet, au reçu de la lettre, Louise faillit se pâmer. Non que l’inconduite de la reine lui causât du chagrin, mais parce que le duc de Suffolk pouvait fort bien, dans un moment d’inattention, aider Louis XII à avoir un enfant. Or, si Mary donnait un dauphin à Louis XII, François de Valois cessait d’être héritier présomptif.
    Affolée à cette idée, Louise sauta dans une litière et se fit conduire à Paris. Le voyage lui fut un calvaire.
    Allait-elle, si près du but (le pauvre roi était bien mal en point), perdre la partie à cause de deux stupides amoureux anglais ? Elle en frémissait de colère.
    — Un instant d’égarement et mon fils, mon César, ne serait pas roi.
     
    Depuis un an, elle vivait sous le régime de la douche écossaise. Après quinze années d’inquiétude, la mort d’Anne de Bretagne (qui ne laissait aucun enfant mâle à Louis XII) l’avait comblée de joie. Hélas ! neuf mois plus tard, le roi s’était remarié avec Mary d’Angleterre et elle avait de nouveau tremblé. Puis, la petite Anglaise avait épuisé le roi. Aussitôt, Louise s’était remise à espérer… Et voilà que Mary se montrait si légère qu’on pouvait craindre maintenant la naissance d’un bâtard…
    C’est avec les traits tirés par le souci et la fatigue que Louise de Savoie arriva aux Tournelles. Elle ne fit qu’un bond dans les appartements de Suffolk. Le jeune ambassadeur était en train de lire. Elle se planta devant lui :
    — J’espère ne point arriver trop tard, dit-elle. Je connais vos relations avec la reine et viens vous mettre en garde, car votre attitude est fort imprudente. Vous n’ignorez pas qu’une reine convaincue d’adultère est condamnée à mort ainsi que son amant. De plus, imaginez ce qui se passerait si vous donniez un enfant à la reine Mary. Dès la mort du roi, qui ne peut, hélas ! tarder, le gouvernement du royaume serait confié

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