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Les guerriers fauves

Les guerriers fauves

Titel: Les guerriers fauves Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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maintenant !
    Le chien sortit, elle referma soigneusement et glissa la clef dans son aumônière, reprenant l’étroit couloir menant au dortoir voisin.
    Son serviteur, assis sur un cadre de bois, se tenait la tête entre les mains. Debout devant lui, un mousse le fixait, la bouche ouverte. L’enfant était maigre, le cheveu rare, et son air endormi rappelait à Eleonor celui du simple de Fierville.
    Un marin qui traversait le dortoir interpella le gamin avec rudesse :
    — Hé, le Bigorneau, viens par là ou il va t’en cuire !
    Le petit gars sursauta et partit d’un pas lent qui lui valut aussitôt une taloche sur le crâne.
    Gautier n’avait pas bronché.
    — Eh bien, mon ami. Tu en fais une tête !
    — C’est que je dois dormir là-haut, fit-il en désignant l’un des sacs de toile. Toutes les paillasses sont prises. Et je ne vois pas bien comment on peut dormir dans un lit qui bouge comme une feuille dans un arbre ! Et quand il y aura des tempêtes, vous imaginez !
    — Non, Gautier, non, je n’imagine pas. Chaque chose en son temps. Tu as déjà fait la sieste sur la fourche d’un arbre, cela sera certainement plus confortable.
    — Si vous le dites, fit le vieux, maussade.
    — Allez, tu m’accompagnes sur le pont ?
    — Non, j’vas rester un peu.
    — Alors, ne bois pas trop, n’oublie pas que le voyage sera long.
    — Qui vous dit que j’vas boire ? protesta le vieux.
    — Gautier...
    — Bon, bon ! Voyez, maîtresse, j’m’étais dit que si j’suis un peu soûl, je verrais pas le port s’en aller.
    Attendrie par les soucis du vieil homme, Eleonor posa un instant une main réconfortante sur son épaule.
    — Tout ira bien, Gautier, et tu verras, là-bas, nous vivrons comme rois et princes.
    Quelques instants plus tard, elle était sur le pont avec Tara, passant entre les rangs de rame. Elle sentit les regards des marins sur elle et, pensant aux mises en garde du Sicilien, rabattit vivement sa capuche et se détourna. Perdue dans ses pensées, elle n’avait même pas remarqué que le navire s’éloignait du quai. Le choc des vagues sur la coque lui fit comprendre qu’ils étaient partis. Son anxiété disparut, faisant place à une excitation d’enfant.

13
    Sur les quais et le long de la grève couraient des gamins qui leur faisaient de grands signes d’adieu. Au milieu de la foule des curieux qui observait la manoeuvre, Tancrède aperçut la silhouette trapue du prévôt. Knut jeta un nouvel ordre et les amarres retombèrent sur le pont. Pour la première fois, Tancrède perçut le mouvement de la mer sous ses pieds, le lent et insistant balancement de la houle.
    Harald abaissa le gouvernail latéral, les avirons plongèrent dans l’eau, l’étrave se tourna vers le large. Aiguillonnés par la voix du maître de la hache, les marins chantaient en souquant sur le bois mort. Un chant étrange à quatre temps dont le troisième correspondait à la poussée des rames. Le jeune homme se pencha par-dessus le plat-bord : la mer était si proche qu’il pouvait la toucher. Il observa la coque éclaboussée d’écume et resta un moment ainsi, insensible aux embruns qui mouillaient son visage.
    Quand il se redressa, ils quittaient l’abri de la rade et dépassaient la tour de feu. Le château et l’église Saint-Nicolas allaient s’amenuisant.
    Ici et là, des rochers affleuraient. Les vagues bruissaient. Ils avaient ralenti et Tancrède réalisa que le tambour s’était tu et que les rameurs manoeuvraient en silence.
    Non loin de lui, à l’avant, un homme jetait à l’eau une ligne de sonde lestée d’un plomb, la relevait et examinait les indications qu’il donnait au pilote debout à ses côtés.
    L’un derrière l’autre, le serpent et le knörr se dirigeaient vers la haute mer. La houle se faisait plus forte. Le serpent glissait sur la crête des vagues. Sur un ordre d’Harald, les marins hissèrent la grand-voile. Carrée et de couleur pourpre, elle se déplia avec un claquement sec. Le vent était portant et elle se gonfla aussitôt. Les marins achevèrent de la tendre avec de longues perches de bois.
    — Vous êtes livide, remarqua Hugues qui n’avait cessé d’observer son protégé.
    — Oui, je ne me sens pas très bien... s’étonna Tancrède. Trop mangé sans doute, ou trop bu, hier au soir.
    Le navire épousait les lames. Sa proue recourbée plongeait et se redressait. Le jeune homme pâlit davantage et l’Oriental secoua la

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